Doc.sciencespo-lyon.fr
UNIVERSITE LUMIERE LYON II - 2006-2007
Institut d'Etudes Politiques de Lyon
Mémoire de fin d'études : Section Relations Internationales
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande :
Etude du réseau PHPT (Program for HIV
Prevention and Treatment)
Soutenu le 6 juin 2007
Directeur de mémoire : Gwenola Le Naour
séminaire gestion des risques et politiques publiques
Table des matières
Introduction .
1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international .
1.1 : L'urgence sanitaire de l'épidémie VIH/Sida en Thaïlande .
1.1.1 : Le premier plan national thaïlandais de lutte VIH/Sida : une action deprévention .
1.1.2 : Le second plan national thaïlandais de lutte contre le VIH/Sida : un appel à lasolidarité internationale scientifique .
1.1.3 : Le troisième plan national thaïlandais de lutte contre le VIH/Sida : l'accèsaux traitements antirétroviraux .
1.2 : PHPT un réseau multilatéral de coopération internationale scientifique .
1.2.1 : Une politique de développement basée sur l'expertise .
1.2.2 : Importer la recherche biomédicale dans un pays du Sud .
1.2.3 : L'administration de PHPT par les Thaïlandais .
1.2.4 : Faire interagir le savoir de chaque groupe pour limiter le Sida .
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à
Chiang Mai .
2.1 : L'articulation des normes internationales au niveau local .
2.1.1 : Le programme PHPT/Oxfam : procurer des traitements et diffuser un savoirspécialisé dans le VIH/Sida .
2.1.2 : Les logiques de la stratégie de santé communautaire .
2.1.3 : La nécessité de former les populations locales pour développer lesinfrastructures médicales à Chiang Mai .
2.2 : Le décloisonnement du monde médical et scientifique .
2.2.1 : L'implication des patients dans la production du savoir scientifique .
2.2.2 : Un dialogue régulier entre chercheurs, médecins, infirmières et patients .
2.2.3 : L'émergence d'un nouveau profil de patients .
2.3 : Les communautés de patients des acteurs primordiaux dans la diffusion desinformations liées aux VIH/Sida .
2.3.1 : L'acceptabilité du programme par les patients .
2.3.2 : Un réseau intercommunautaire de patients solidaires .
2.3.3 : Les patients conscients de leurs nouveaux pouvoirs sociaux .
3. La reformulation des politiques de santé publique nationales et internationales par les
acteurs impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande .
3.1 : L'activisme thérapeutique des personnes vivant avec le VIH/Sida .
3.1.1 : Se faire entendre dans la société comme des personnes normales .
3.1.2 : Etre considérés comme citoyens à part entière par le gouvernement .
3.1.3 : Avoir accès aux médicaments génériques .
3.2 : La lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande encourage de nouvelles stratégies dedéveloppement .
3.2.1 : Une coopération internationale entre communautés de patients .
3.2.2 : La Thaïlande point central de la coopération triangulaire en Asie du Sud-Est.
Conclusion .
Annexes .
ANNEXE 1 : présentation du programme PHPT/responsabilité d'accès aux soins et
traitements responsabilité dans le Nord de la Thaïlande .
ANNEXE 2 : Entretiens sur terrain de 2 personnes thaïlandaises non malades .
Bibliographie .
OUVRAGES .
TRAVAUX SCIENTIFIQUES .
ARTICLES DE PRESSE .
RAPPORTS OFFICIELS .
TEXTES INTERNATIONAUX .
Médicalement, le VIH/sida est une maladie définit en trois termes : endémie, épidémie
et pandémie ; ces définitions faisant référence aux zones géographiques où la maladie
apparaît. Le VIH/sida est tout d'abord une maladie qui touche une région localisée
(endémie), avant de s'étendre à la population d'un pays (épidémie) pour se diffuser ensuite
à l'échelle mondiale (pandémie). Dans ce cadre, le VIH/sida est une maladie qui nécessite
une intervention médicale et politique à tous les niveaux. Désormais la lutte contre cette
maladie peut être représentée en forme de toile d'araignée à dimension planétaire : le
sida formant les cercles concentriques et les actions entreprises pour y faire face les
trames transversales. Cette configuration nous amène donc à réfléchir sur les modalités
d'associations qui se font entre tous les acteurs impliqués dans la lutte, qu'ils soient locaux,
nationaux ou internationaux.
A l'heure actuelle, le VIH/sida touche environ 40 millions de personnes1. Classée dans
les grandes pandémies, cette maladie infectieuse ne connaît pas de frontières et s'étend
à la population mondiale. Le problème considéré comme un enjeu global sur la scène
internationale, s'inscrit sur les agendas politiques de toutes les grandes organisations etconstitue le 6e objectif du Millénaire pour le développement humain des Nations Unies2. En
effet les conséquences du sida sont multiples et s'étendent de la médecine à la politique
en passant pas l'économie. Cette dimension conduit les Etats à penser leur coopération
autrement et à impliquer toutes les ressources nécessaires à la réduction de ce fléau. La
création du programme commun ONUSIDA en 1995 rassemble les efforts et les moyens de
10 organismes des Nations Unies : le HCR, l'UNICEF, le PAM, le PNUD, l'UNFPA, l'ONUDC,
l'OIT, l'UNESCO, l'OMS et la Banque mondiale. Le sida est donc un objet complexe et
intéressant pour comprendre les tendances des relations internationales actuelles. Car la
lutte contre le VIH/sida ne se limite pas aux seuls pouvoirs des Etats mais à une multitude
d'acteurs, désormais visibles sur la scène internationale, qui selon leurs capacités tentent
de faire évoluer les politiques nationales et internationales pour limiter son évolution et sa
diffusion. Selon Max Dixneuf la diffusion transnationale du virus du VIH/sida a fait apparaître
dès le début « des interactions entre groupes sociaux qui dépassaient largement les cadres
politiques nationaux ». Ces interdépendances se sont accrues au fur et à mesure que la
recherche s'est internationalisée, et que les ONG et les associations communautaires ontinvesties la politique internationale pour améliorer la prise en charge des malades3. La
lutte contre le VIH/sida illustre donc la thèse transnationale du courant libéral de Joseph
Nye et Robert Keohane qui affirme que l'Etat n'est plus l'acteur principal sur la scène
mondiale. Il s'agit d'un acteur parmi tant d'autres et pour comprendre cette évolution il suffit
d'analyser les flux transnationaux et les dynamiques locales qui les alimentent en mettant
en lumière les comportements et les effets d'autres acteurs de la scène mondiale. Ces deux
auteurs américains ont une approche empirique des relations internationales : il existe une
communauté à l'échelle mondiale qui est organisée en Etat à l'intérieur desquels il y a des
individus qui entretiennent des rapports matériels et immatériels transnationaux formant
1 ONUSIDA, « Rapport sur l'épidémie mondiale de Sida », 2006
2 ONU, « Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) », septembre 2000
3 DIXNEUF M, « quels enjeux pour la politique internationale ? », Transcriptases, n° 118, 2004, ANRS
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
ainsi des réseaux mondiaux ignorant les frontières des Etats. Il existe donc au niveau
mondial un lien social exprimé par des pratiques marchandes et culturelles favorisées parle progrès des moyens de transport et de la technologie4. Marie Claire Smouts considère
l'objet des relations internationales comme la structuration de l'espace mondial par des
réseaux d'interactions sociales où la notion de frontières n'existe plus formant ainsi une
société internationale où les marchandises, les idées et les hommes circulent librementmalgré les Etats5. On voit donc qu'en cette ère de libéralisation économique et politique et
de révolution technologique, les institutions et organisations internationales ne détiennent
plus le monopole de la gouvernance mondiale engendrant par conséquent des déficits
opérationnels et participatifs. Face à cette tendance, se sont constitués des réseaux
mondiaux de politiques publiques ayant pour principale activité la production, le recueil et
la diffusion de connaissances afin de faire apparaître de nouvelles questions au rang despriorités mondiales et de faciliter la création de nouvelles normes globales6.
Toutefois avant de devenir une pandémie, le VIH/sida est d'abord défini comme une
épidémie c'est-à-dire une maladie qui se propage rapidement à un grand nombre de
personnes d'un même pays. Les chiffres montrent que les pays les plus touchés par cette
épidémie sont les pays en développement, ceux d'Afrique sub-saharienne, continent qui
enregistre plus de 95% de nouvelles infections, mais aussi ceux d'Asie du Sud-est. Cette
région a des taux de prévalence relativement faibles par rapport à d'autres continents,
mais du fait qu'elle représente plus de 60% de la population mondiale, le nombre de
personnes infectées est important. Faute de capacités scientifiques et techniques et de
moyens financiers, les systèmes politiques de ces pays à faible et moyen revenu restent
limités face au VIH/sida, et les aides publiques ainsi que les experts provenant des pays
occidentaux constituent un des seuls moyens pour parvenir à prendre en charge les
populations malades. La lutte contre le VIH/sida dans les pays à ressources limitées fait
donc appel à la solidarité internationale dont l'enjeu est d'articuler les normes mondiales
aux spécificités locales dans une politique de développement qui doit asseoir les bases
de l'autodétermination. Malgré les discours qui dénoncent l'appui au développement etl'action humanitaire, comme Pascal Bruckner7 et Bernard Hours8 qui estiment ces initiatives
comme une idéologie qui diffère peu de la détermination civilisatrice de l'époque coloniale,
la solidarité internationale n'a pas pour objectif de créer un monde parfait soumis aux diktats
des nations les plus puissantes mais, comme le cite Dominique Desplats : « de contribuer, là
où elle intervient, à redéfinir les enjeux et les choix, à créer de ‘l'intelligence collective' pourque chaque société puisse trouver en elle-même ses propres solutions. »9 Les politiques de
développement sont donc un moyen de transférer les connaissances et les compétences
du Nord au Sud dans une logique où les individus qui bénéficient de cet échange aient lacapacité de participer et d'influencer les décisions qui les concernent10. La justice sociale,
l'éducation et le partage du savoir sont donc des composantes essentielles pour lutter contre
le sida dans des pays où l'environnement politique et économique reste encore incertain.
4 KEOHANE RO & NYE JS,
Power and Interdependence. WorldPolitics in Transition, Little Brown, Boston, 1977, pp. 3-37.
5 SMOUTS MC,
Les nouvelles relations internationales, Presse de Science Po, Paris, 1999
6 REINICKE WH & DENG F
, Choix cruciaux, les Nations Unies, les réseaux et l'avenir de la gouvernance, CRDI, 2000
7 BRUCKNER P,
Le sanglot de l'homme blanc. Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi, Seuil, Paris, 1983
8 HOURS B,
L'idéologie humanitaire ou le spectacle de l'altérité perdue, L'harmattan, Paris, 1998
9 DESPLATS D, « solidarité internationale, entre le global et le local », Sud/Nord, n°17, 2002, pp. 47-56
10 BOUTROS-GHALI B, « L'interaction démocratie et développement », rapport de synthèse UNESCO, 2003
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Cependant avant de s'étendre au niveau national, le VIH/sida est originellement une
maladie endémique localisée dans une région particulière. Les régions les plus pauvres
sont les plus touchées, l'accès à l'information, aux traitements et aux soins est en effet
problématique pour leurs populations sans ressources économiques et politiques. De
nombreux programmes, à l'initiative d'acteurs étrangers à ces régions, sont mis en place
pour favoriser l'accès aux soins et aux traitements, notamment à travers des méthodes
comme la santé communautaire (ou participation communautaire), où les communautés
de patients ont un rôle central dans la conduite des activités. Ces programmes de
développement sont souvent perçus comme une nouvelle hégémonie du Nord sur le
Sud car mettant en avant des pratiques occidentales au sein de population vulnérables.
Cette notion de participation communautaire, qui prend corps dans la notion de santé
primaire, concept fondamental des programmes de développement liés à la santé, a souventplusieurs définitions selon la position idéologique des auteurs11. Pour expliquer les origines
de cette stratégie, Midgley propose trois sources possibles. En premier lieu il peut s'agir
d'une conception occidentale basée sur des valeurs démocratiques où les bénéficiaires
du programme participent comme des citoyens aux prises de décision pour ensuite
s'autodéterminer. En second lieu, le développement communautaire est le produit de la
décolonisation, favorisée par les missionnaires puis adoptées par l'ONU pour promouvoir
le développement social et économique de régions rurales des nouvelles nations. Enfin il
peut s'agir d'une action sociale occidentale, prenant sa source dans le marxisme, afin de
fournir une éducation politique aux opprimés pour qu'ils puissent exiger des changementset améliorer leurs conditions de vie12. D'une manière plus politique, Godbout définit la
participation communautaire comme « le processus d'échanges volontaires entre une
organisation qui accorde un certain degré de pouvoir aux personnes touchées par elle
et ces personnes qui acceptent en retour un certain degré de mobilisation en faveur de
l'organisation. Pour constituer un phénomène stable, la participation suppose un équilibreentre pouvoir et mobilisation. »13 Cependant, malgré les nombreux avis divergents sur les
effets de la participation communautaire, Didier Fassin recommande que ce concept soitutilisé comme une « grille de lecture du développement »14. En ce qui nous concerne
la santé communautaire doit être comprise comme la participation à tous les niveaux
(orientation, gestion et communication des programmes scientifiques) des groupes sociaux
locaux impliqués dans la lutte contre le VIH/sida dans le but de s'autodéterminer. Cette
démarche nécessite au préalable un processus d'information de la part des acteurs
internationaux qui doivent transmettre leur savoir en s'adaptant aux spécificités du terrain.
La lutte contre le VIH/sida est donc un phénomène global qui tisse des liens entre
diverses disciplines mais aussi entre divers acteurs : internationaux, nationaux, locaux,
publics, privés, experts et non initiés et créée ainsi un système à part entière. Le VIH/sida,
un virus qui se propage à travers la population d'une région, d'un pays, d'un continent
et qui nécessite des coopérations originales, ainsi que la mise en place de politiques
de développement pour diffuser des connaissances destinées à réduire sa prévalence
dans les pays les plus touchés, où les ressources sont encore faibles. Par conséquent
11 FOURNIER P, POTVIN L, « Participation communautaire et programme de santé : les fondements du dogme, sciences
sociales et santé », vol.13, n°2, juin 1995
12 MIDGLEY J, HALL A, HARDIMAN M, NARINE D,
Community participation, social development and the state, Methuen,
13 GODBOUT J,
La participation contre la démocratie, Editions Saint Martin, Montréal, 1986
14 FASSIN D, « L'essentiel c'est de participer, ‘démocratie locale' et ‘santé communautaire' dans les villes du tiers-monde »,
Les annales de la recherche urbaine, n°73, 1996, p 4-13
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La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
la gouvernance du VIH/sida en Thaïlande peut être interprétée comme l'ensemble des
politiques et des pratiques en train de se mettre en place grâce à la coopération de divers
acteurs. Face à la configuration politique mondiale que créée cette pandémie, la question
est de savoir en quoi la lutte contre le sida peut être un facteur de démocratisation du
En référence aux définitions proposées par l'UNESCO, la démocratie tout d'abord peut
être entendue comme un système dans lequel l'ensemble de la société peut participer, à
tous les niveaux, au processus de prise de décisions et en exercer le contrôle. Le concept
de culture démocratique, qui va au-delà des conceptions liées exclusivement à la sphère
étatique, exige que l'ensemble des acteurs sociaux, financiers, gouvernementaux et non
gouvernementaux, ainsi que les relations qui les lient ou les opposent soient prises en
compte. La notion de développement quant à elle doit être comprise comme l'ensembledes progrès économiques, sociaux et culturels auxquels aspirent les peuples15. De ce fait
la démocratisation du développement, dans le cadre de la lutte contre le VIH/sida, peut être
définie comme l'ouverture des décisions aux bénéficiaires des politiques de développement
c'est à dire les personnes vivant avec le VIH/sida, le corps médical local et les activistes
locaux. Dès lors ceux-ci ne sont plus perçus comme des sujets exécutants mais sont
considérés comme des acteurs à part entière qui peuvent orienter les politiques mises en
place dans leur région avec le sentiment d'être propriétaire de leur développement. Cette
démarche permet ainsi une gestion plus adéquate au terrain mais implique également une
articulation à trois niveaux : local, national et international, qui n'est pas sans difficultés.
Cette problématique nous amène à considérer plusieurs hypothèses : la gouvernance
du sida en Thaïlande bénéficie des effets de la mondialisation en s'appuyant sur une
solidarité internationale organisée en réseaux impliquant une pluralité d'acteurs à tous les
niveaux. Cette structuration de l'espace mondial permet d'ouvrir la science biomédicale
aux pays du Sud grâce à l'implantation de projets de recherche menés conjointement
par les experts internationaux et les acteurs locaux. La gestion des programmes de
développement s'articule dans un effort collectif de participation où la voix des acteurs
locaux, notamment des personnes vivant avec le VIH/sida permet de décloisonner le monde
médical et scientifique. Les malades sont désormais considérés comme des acteurs dans la
construction et la diffusion du savoir spécialisé. L'expertise acquise des patients thaïlandais
en matière de VIH/Sida leur permet d'intégrer la sphère publique nationale et internationale
et d'être reconnus comme des citoyens ayant des droits et pouvant orienter les politiques
publiques. Enfin les politiques de développement menées en Thaïlande peuvent s'appliquer
à d'autres pays grâce aux réseaux mondiaux de communautés de patients. Elles peuvent
également s'étendre dans le reste de l'Asie du Sud-Est grâce une coopération scientifique
Le programme de recherche de prévention et de traitement du VIH/Sida, PHPT
(Program for HIV Prevention and Treatment) en Thaïlande, va servir de cadre d'analyse
pour comprendre le fonctionnement des politiques de développement liées à la lutte contre
le sida. Ce réseau en basant ses travaux sur des normes internationales éprouvées en
occident, cherche à développer des normes spécifiques adaptées aux pays à ressources
limitées. Réunissant des acteurs divers tels que des ministères, des universités, des instituts
de recherche, des hôpitaux publics, des ONG et des associations communautaires de
Thaïlande, de France, des Etats-Unis et de Grande Bretagne et bénéficiant de financement
de fonds mondiaux, nationaux et privés, PHPT développe un partenariat public-privé afin
d'optimiser la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/sida.
15 BOUTROS-GHALI B,
op.cit, 2003
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Le choix de cet objet relève d'une expérience de 8 mois passée à Chiang Mai,
épicentre du sida en Asie du sud-est. Cette région située dans le triangle d'or au nord
de la Thaïlande, à la frontière de la Birmanie, du Laos et de la Chine, est un carrefour
migratoire important en Asie. Le sida est apparu en 1984 au sein des utilisateurs de
drogues injectables, puis chez les professionnels du sexe et les homosexuels avant de
se diffuser au reste de la population. Plus d'un million de Thaïs ont contracté le VIH
dont plus de 400 000 sont déjà décédés, aujourd'hui on estime à 580 000 le nombre depersonnes vivant avec le VIH/sida16. Le centre de coordination de PHPT est depuis 1996
implanté à Chiang Mai et réunit des chercheurs de l'IRD (Institut de Recherche pour le
Développement), de l'INED (Institut National d'Etudes Démographiques), de Harvard, des
universités de Chiang Mai et de Mahidol, ainsi que des techniciens et des administrateurs
thaïlandais. PHPT collabore également avec le Ministère de la Santé Publique thaïlandais et
l'entreprise pharmaceutique nationale GPO (Governmental Pharmaceutical Organization)
et conduit ses recherches dans 39 hôpitaux publics à travers toute la Thaïlande grâce à
des financements du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme
(GFATM) qui transitent via le Ministère de la Santé Publique, des ONG Oxfam et Sidactionet des gouvernements thaïlandais, français et américain. C'est lors de mon stage de 3e
année de l'IEP que j'ai pu m'insérer dans ce programme qui présentait les caractéristiques
de mon cursus en relations internationales (spécialité : aire culturelle asiatique). Chargée
de la communication du centre de coordination, j'ai mené une observation continue sur
le terrain afin d'acquérir des connaissances dans le domaine du VIH/Sida (prévention,
traitement mais également les problèmes d'organisation de la santé publique en Thaïlande),
intégrer le fonctionnement d'une collaboration de recherche internationale, comprendre la
démarche de la recherche clinique et l'organisation du centre de coordination de PHPT dans
le but de produire des documents de communication (brochure générale de présentation
de PHPT, dépliants sur des études de PHPT, affiches pour promouvoir un test de dépistage
pour les bébés, film didactique destiné aux laborantins) et des projets comme la réalisation
future d'un film documentaire sur le VIH/Sida en Thaïlande produit par l'IRD Audiovisuel.
Ce projet m'a conduit notamment à mener une enquête approfondie sur le programme
PHPT/Oxfam d'accès aux soins et traitements antirétroviraux dans la région de Chiang
Mai. Cette observation sur le terrain s'est faite à travers la participation à des réunions
(dont certaines ont été filmées) et à des formations (comme les formations aux Bonnes
Pratiques Cliniques, au techniques de plaidoyer et à une formation destinée aux patients du
programme PHPT/Oxfam pour qu'ils puissent assumer leur séropositivité que j'ai pu filmer),
des visites dans les hôpitaux participant au programme PHPT/Oxfam (filmées) et enfin à
travers 70 entretiens semi-directifs. Ces entretiens ont été conduits en anglais et avec un
interprète lorsque les personnes interrogées ne parlaient pas anglais. La difficulté reposait
donc sur les efforts de traduction du thaïlandais à l'anglais (effectuée par l'interprète) puis
de l'anglais au français (que j'ai effectué par la suite pour la rédaction de ce mémoire).
Cette dimension a entraîné certains biais dans les informations données par les personnes
interrogées parce que non traduites par l'interprète ou mal traduites par l'interprète et moi ou
encore incomprises (du fait de l'accent des interrogés et du niveau d'anglais). 16 personnes
travaillant au centre de coordination de PHPT (chercheurs et administrateurs), 18 personnes
vivant avec le VIH/sida (dont 2 enfants) participant au programme PHPT-Oxfam d'accès aux
soins et aux traitements antirétroviraux de qualité, 2 parents d'enfants vivant avec le VIH/
sida, 10 personnes travaillant dans les 5 hôpitaux participant au programme PHPT-Oxfam
(médecins, infirmières, conseillers) et enfin 24 personnes en bonne santé ont accepté de
mener un entretien enregistré et filmé d'environ 25 minutes. Il est important de préciser
16 ONUSIDA, OMS,
op.cit, 2006
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
que tous les entretiens ainsi que les photographies et vidéos ont été réalisés sous couvert
d'un formulaire de consentement. Enfin une bibliographie constituée de documents officiels,
d'articles et de travaux scientifiques, d'articles de presse et de livres récoltés pendant et
après mon séjour en Thaïlande ont pu compléter le travail de terrain. La difficulté de ce
mémoire, repose sur le fait qu'il s'agit d'une construction
ex-post étant donné que le travail
de terrain a été fait avant l'élaboration de la problématique
. La méthode de recherche est
donc déductive. Le travail de terrain ne répond pas aux questionnements de départ de mon
sujet de mémoire. Le sujet et la problématique de ce mémoire émanent donc de ce que j'ai
pu observer et comprendre pendant mon stage à PHPT. Enfin je tiens par ailleurs à préciser
des termes lexicaux, généralement j'emploie dans ce mémoire le couplage des noms VIH/
Sida pour désigner la maladie comme un tout. Certains auteurs utilisent uniquement le terme
Sida, mais je trouve cette vision trop réductrice et fataliste car tous les malades n'ont pas
atteint ce stade de la maladie. Cette maladie évolue en effet dans le temps ; il y a en premier
lieu la phase d'infection à VIH qui n'entraîne pas la mort puis peut survenir ensuite la phase
terminale du Sida. Un des enjeux principaux de la recherche biomédicale est donc de limiter
l'évolution du VIH vers le stade du Sida.
Ainsi pour tenter de comprendre la gouvernance du VIH/sida en Thaïlande et savoir en
quoi la lutte contre le VIH/sida peut être un facteur de démocratisation du développement,
nous étudierons en premier lieu les aspects de la solidarité internationale scientifique formée
par les acteurs du réseau PHPT. Celle-ci permet d'ouvrir la recherche biomédicale à un pays
à ressources limitées qui a pris conscience très tôt de l'urgence sanitaire que représentait
l'épidémie du VIH/Sida. Dans une deuxième partie nous intéresserons à l'implication des
patients dans le savoir médical et scientifique pour comprendre la stratégie de santé
communautaire menée par PHPT et Oxfam dans leur programme d'accès aux soins et
aux traitements antirétroviraux à Chiang Mai. Nous verrons que cette méthode a pour but
de décloisonner le monde médical et scientifique pour permettre aux patients de prendre
conscience de leur pouvoir dans la lutte contre le VIH/Sida. Enfin dans une troisième partie
nous chercherons à souligner les enjeux politiques de la lutte contre le VIH/Sida. Grâce
à l'autodétermination qu'ils ont acquise, les patients thaïlandais sont en mesure d'investir
l'espace public et de militer pour leurs droits. Les stratégies de développement initiées en
Thaïlande peuvent désormais s'étendre à d'autres Etats grâce aux réseaux de patients qui
se forment à travers le monde et par une coopération scientifique triangulaire incluant les
pays du Nord, la Thaïlande et ses pays voisins.
Par conséquent la lutte contre le VIH/sida en Thaïlande doit se comprendre d'une
manière locale et globale. Les ressources internes sont développées par des experts
internationaux et des acteurs locaux dans le but d'adapter des études biomédicales pour
prévenir le sida et fournir des traitements et des soins appropriés aux personnes vivant avec
le VIH/Sida. Mais ces politiques de développement visent également à renforcer le pouvoir
des malades et les capacités de santé publique de la Thaïlande afin de créer un leadership
scientifique et médical en Asie du Sud-Est. En s'ouvrant à une pluralité de groupes sociaux
hétérogènes, la lutte contre le sida en Thaïlande menée par PHPT montre que les stratégies
de développement peuvent se construire dans un esprit consensuel. La collaboration des
différents acteurs impliqués dans les programmes de PHPT permet également à certains
d'entre eux d'investir l'espace public ; c'est le cas des patients qui forts de leur expérience
dans les actions de santé communautaire, ont la possibilité de renforcer leur pouvoir et leur
influence auprès des autorités publiques et du reste de la société. La lutte contre le VIH/
Sida en Thaïlande engendre donc une démocratisation du développement à trois niveaux.
Tout d'abord la collaboration des chercheurs experts étrangers et des équipes hospitalières
locales ayant moins de connaissances permet de redéfinir des normes internationales,
MURGUE Caroline_2007
puis l'implication des malades dans le management d'un programme initié par une ONG
internationale et des chercheurs experts étrangers permet de développer la conscience
citoyenne de ces mêmes malades, enfin l'organisation en réseaux des chercheurs, des
équipes hospitalières et des patients permet d'étendre le savoir spécialisé de chaque groupe
d'une manière interactive dans une dynamique à la fois locale, nationale et globale.
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La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
1. La Thaïlande, point d'ancrage
d'un réseau scientifique VIH/Sida
1.1 : L'urgence sanitaire de l'épidémie VIH/Sida en
Royaume d'environ 65 millions d'habitants, la Thaïlande est un Etat de 514 000 km² situé
au cœur de l'Asie du sud-est et fut le premier pays de cette région à être le plus durement
touché par la pandémie du VIH/sida. Le virus apparaît en 1984 au sein des utilisateurs
de drogues injectables de la région de Chiang Mai, région rurale et artisanale située à la
frontière de la Birmanie, du Laos et de la Chine et faisant partie du triangle d'or dont les
richesses économiques proviennent à cette époque de la culture de pavot. Le virus se
transmet ensuite aux homosexuels et aux professionnels du sexe avant de se diffuser au
reste de la population et devenir une épidémie à mode hétérosexuelle prédominant. Chiang
Mai est en effet un carrefour migratoire où transitent des milliers de travailleurs venus du
reste de la Thaïlande et des pays avoisinants. Environ 1 million de Thaïlandais ont contracté
le VIH/sida, plus de 400 000 sont déjà décédées et il est aujourd'hui estimé à 580 000le nombre de personnes vivant avec le VIH/sida dont 40% vivent dans le nord du pays17.
La Thaïlande fut le premier pays asiatique à reconnaître que le VIH/sida constituait un
problème de santé publique majeur. Alors que de sporadiques tests de dépistages chez les
prostituées, les homosexuels et les utilisateurs de drogues injectables révélèrent un taux de
prévalence VIH faible à la fin de 1987, l'augmentation rapide d'infection à VIH au sein des
utilisateurs de drogues injectables en 1988, conduirent les autorités à surveiller l'épidémie
de plus près. Au milieu de 1989, un système national de surveillance du sida fut établit et
révéla que les infections étaient majoritairement liées aux pratiques de la prostitution.
1.1.1 : Le premier plan national thaïlandais de lutte VIH/Sida : une
action de prévention
C'est en 1991 que le gouvernement thaïlandais dirigé par le 1er ministre Anand
Panyarachun décide de faire du VIH/sida une priorité nationale en lançant un premier
plan national de lutte contre le sida (1992-1996). Plusieurs étapes doivent permettre de
freiner l'épidémie. Tout d'abord le programme de surveillance du sida est transféré du
Ministère de la Santé Publique au cabinet du premier ministre permettant d'accroître son
influence politique ainsi que son budget. De plus une campagne nationale d'information sur
17 ONUSIDA, OMS,
op.cit, rapport annuel 200612
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1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international
le VIH/sida est lancée : toutes les heures des messages anti-sida sont diffusés sur les 488
radios et télévisions publiques et toutes les écoles sont obligées de tenir des séances deprévention VIH/sida18. Enfin la célèbre campagne « 100% Condoms » est mise en place
et favorisée par la popularité du sénateur Mechai Viravaidya (Mr Condom) qui en le porte
parole : l'usage du préservatif devient obligatoire dans tous les bordels et ceux qui ne
respectent pas cette loi sont immédiatement fermés. Environ 60 millions de préservatifs sont
achetés par le ministère de la santé publique thaïlandais et distribués gratuitement dans les
établissements. La collaboration entre le gouvernement, le corps médical, les gouverneurs
régionaux, la police, les propriétaires des bordels et les prostituées permet une réussitesans précédent dans la limitation de la diffusion de la maladie19 20. Malgré le succès de cette
campagne il n'en reste pas moins que le virus continue à se transmettre aux femmes puis
aux enfants.
Pour faire face à l'épidémie qui sévit dans le nord de la Thaïlande, le gouvernement
adopte en 1994 une politique de décentralisation de fonds et de consultation avec les
ONG et les personnes vivant avec le VIH/sida. Un comité composé de 32 représentants
gouvernementaux et de membres d'ONG a pour tâche de renforcer le système de
surveillance épidémiologique, de coordonner les programmes de tous les secteurs
impliqués dans la lutte contre le VIH/sida, de promouvoir l'éducation sur le VIH/sida, de
réduire la discrimination faite envers les victimes, et de développer un réseau d'entraide
parmi les personnes vivant avec le VIH/sida. 1.7 millions de dollars sont alloués aux
communautés de patients, c'est la première fois dans l'histoire du système budgétaire
thaïlandais qu'un budget est accordé à un programme n'appartenant pas à un ministère
thaïlandais. Grâce au partage de pouvoirs et de responsabilités avec les associations de la
société civile, cette démarche permet de répondre plus efficacement au problème du sidaévitant ainsi les procédures bureaucratiques longues et souvent moins souples. 21
Chaque segment de la société est donc amené à jouer un rôle dans la prévention du
VIH/Sida. Tout le monde est impliqué, de la communauté scientifique aux professeurs, en
passant par les moines, les prostituées et les toxicomanes. Le gouvernement engage des
fonds pour la recherche et supporte les organisations privées qui communiquent sur les
façons de limiter la diffusion du VIH/sida. Même le puissant corps militaire thaïlandais yprend part en conduisant des tests de dépistages volontaires parmi les soldats. 22
1.1.2 : Le second plan national thaïlandais de lutte contre le VIH/Sida :
un appel à la solidarité internationale scientifique
Le second plan national pour la prévention et la réduction du VIH/sida qui couvre la
période de 1997 à 2001, maintient les orientations des programmes précédents mais
adopte une approche plus holistique, qui inclut la mobilisation des efforts des associations
communautaires et des personnes vivant avec le VIH/sida. Le gouvernement thaïlandais
19 UNAIDS, "Evaluation of the 100% condom programme in Thailand", case study in collaboration with AIDS Division, Ministry ofPublic Health Thailand (UNAIDS/00.18E), July 200020
21 UNDP, UNICEF, "Governance and HIV. Decentralization : an aspect of governance critical to an effective response", a case
study from Northern Thailand, January 1998
22 MORSE A., « 20 years and still fighting », abcnews.com, July 13 2002
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
fait également appel à la solidarité internationale pour entreprendre des études scientifiques
permettant d'accroître les capacités de prise en charge des thaïlandais vivant avec le VIH/
sida. Entre 1996 et 1997, afin de prévenir la transmission entre la mère et l'enfant, unessai clinique PHPT-1 (Perinatal HIV Prevention Trial-1)23 est entrepris par des chercheurs
français, américains et thaïlandais. Cette première étude qui se base sur les résultatsd'une étude menée aux Etats-Unis et en France (PACTG 07624-ANRS 02425) initie un
traitement simplifié par zidovudine (AZT ou ZDV) administré avant l'accouchement, puisune deuxième étude PHPT-2 (Perinatal HIV Prevention Trial-2)26 qui ajoute à la zidovudine
une prise de névirapine (NVP) pendant l'accouchement. Ces deux études permettent de
réduire la transmission du VIH entre la mère et l'enfant de 30% à 2%. Les résultats de ces
deux essais amènent les médecins thaïlandais à demander le support du gouvernement
thaïlandais pour fournir ces traitements et en 1999, un programme national de prévention
de la transmission VIH entre la mère et l'enfant est établi dans tous les hôpitaux publics.
Adoptées comme traitements de référence par les pouvoirs publics thaïlandais, ces deuxétudes sont aujourd'hui devenues des recommandations internationales de l'OMS27.
1.1.3 : Le troisième plan national thaïlandais de lutte contre le VIH/
Sida : l'accès aux traitements antirétroviraux
A la fin des années 90, la crise asiatique engendre une baisse significative du budget
de lutte contre le VIH/sida. Les fonds pour les interventions médicales et la distribution
de préservatifs sont largement diminués. Le troisième plan national qui couvre la période
de 2002 à 2006 est lancé à la fin de 2001 et poursuit le travail du plan précédent. Trois
buts spécifiques doivent être atteints. Le premier but consiste à réduire la prévalence du
VIH à moins de 1% chez les adultes, le deuxième est de fournir à au moins 80% de la
population vivant avec le VIH/sida des soins, des traitements et un support social, enfin le
troisième but est de confier l'orientation et la gestion du plan aux administrations locales
et aux associations communautaires du pays. Cinq stratégies prioritaires à mettre en place
sont également identifiées par le gouvernement. La première doit permettre aux individus,
aux familles et aux associations communautaires d'être conscient du rôle important qu'ils
ont dans la prévention et l'atténuation du VIH/sida. La seconde stratégie est d'implanter
des services de santé et des services sociaux pour prévenir et prendre en charge le VIH/
sida. La troisième stratégie est de développer les connaissances et la recherche selon la
stratégie n°4 qui est la coopération internationale. Enfin, en stratégie n°5 un système de
management doit être mis en place afin d'intégrer les tâches relatives à la prévention et à
l'atténuation du VIH/sida.
23 LALLEMANT M., JOURDAIN G., LE COEUR S., KIM S., KOETSAWANG S., COMEAU AM., PHOOLCHAROEN W., ESSEXM., MCINTOSH K., VITHAYASAI V.,
A trial of shortened zidovudine regimens to prevent mother-to-child transmission of HumanImmunodeficiency Virus 1. New England Journal of Medicine 2000; 343 :982-99124 CONNOR EM, SPERLING RS, GELBER R et al
. Reduction of maternal-infant transmission of human immunodeficiency type Iwith zidovudine treatment. New England Journal of Medicine1994 ; 331: 1173-1180.
25 SPERLING RS, SHAPIRO DE, COOMBS RW et al
. Maternal viral load, zidovudine treatment, and the risk of transmission ofhuman immunodeficiency virus type 1 from mother to infant. New England Journal of Medicine 1996; 335: 1621-162926 LALLEMANT M., JOURDAIN G., LE COEUR S., et al.
Single dose nevirapine plus standard zidovudine to prevent mother-to-childtransmission of HIV-1 in Thailand. New England Journal of Medicine. 2004;351:229-4027 WHO,
Antiretroviral drugs for treating pregnant women and preventing HIV infection in infants : towards universal access,recommendations for a public health approach, version 2006 http://www.who.int/hiv/pub/guidelines/pmtctguidelines2.pdf14
MURGUE Caroline_2007
1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international
La Thaïlande est un pays qui a pris conscience très tôt des conséquences sanitaires,
sociaux et économiques que l'épidémie VIH/sida entraîne. Les enjeux du gouvernement
thaïlandais ont été de promouvoir la décentralisation, les initiatives communautaires, le rôle
des médis et la participation des personnes vivant avec le VIH/Sida dans l'atténuation de
cette maladie. La Thaïlande a également cherché à intégrer l'action préventive et curative
basée sur les droits de l'homme dans tous les projets nationaux et régionaux y compris
les projets de développement. « Ces préoccupations attestent d'une vision des lois et des
politiques comme partie intégrante de l'infrastructure interdisciplinaire, dépendant d'une
participation de tous et de la collaboration généreuse du gouvernement et de la populationdans son ensemble. »28 Pays émergent mais aux ressources limitées, les capacités
scientifiques et techniques ne pouvaient se développer qu'avec l'aide internationale. On
voit que l'intérêt de s'implanter en Thaïlande pour la communauté scientifique et les ONG
internationales se situent à divers niveaux. Tout d'abord, il s'agit d'un état démocratique
à l'économie émergente. L'adhésion à des organisations régionales tels que l'ASEAN
et l'APEC permet à la Thaïlande d'avoir un rôle influent sur les autres pays d'Asie du
sud-est en développement gravement touchés par le VIH/sida. Ce leadership politique
en matière de santé publique peut permettre des transferts de compétences au niveau
régional. De plus le nombre élevé de malades en attente de soins et traitements offre aux
chercheurs internationaux la possibilité d'initier de nouvelles thérapies éprouvées dans les
pays industrialisés et faire ainsi progresser la recherche dans les endroits les plus critiques.
1.2 : PHPT un réseau multilatéral de coopération
1.2.1 : Une politique de développement basée sur l'expertise
1.2.1.1 : L'introduction de nouvelles pratiques cliniques en Thaïlande
L'aide au développement attribuée à la Thaïlande pour lutter contre le VIH/Sida ne se
limite pas à l'envoi de fonds publics internationaux. On constate que la politique de
développement dans ce pays est structurée par des coopérations scientifiques et éducatives
avec des instituts et universités occidentales. Des experts étrangers aux compétences
internationales travaillant pour des instituts français et américains sont invités par le
gouvernement thaïlandais à initier des études, en collaboration avec les chercheurs locaux,
pour permettre aux malades de bénéficier de soins et traitements appropriés, et d'ouvrir
la voie à l'autodétermination thaïlandaise en matière de médecine, santé publique et
recherche scientifique. Le docteur Marc Lallemant, directeur de PHPT, est spécialiste
en pédiatrie préventive, épidémiologie et génétique. Il a débuté sa carrière à l'IRD en
travaillant sur le paludisme au Congo, et c'est dans le cadre de son programme sur
l'impact de l'urbanisation sur la santé à Brazzaville, qu'il a dès 1985 pris conscience de la
gravité du VIH/sida en Afrique et a été responsable de l'un des premiers programmes de
recherche sur la transmission du VIH/sida entre la mère et l'enfant. Grâce à ce programme
28 MUNTHARBOHN V, « Le sida et la loi : le dilemme thaïlandais ? », in FOYER J, KHAÏAT L,
Droit et Sida. Comparaison
internationale, CNRS éditions, Paris, 1994, pp.415-427
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
il a largement contribué à la compréhension du VIH/sida en Afrique. Affilié à l'IRD et
à l'école de santé publique de Harvard il est aujourd'hui membre du groupe d'experts
de l'OMS sur la transmission mère-enfant du VIH/sida et fait partie du groupe d'experts
extérieurs du
National Institute of Health (NIH) américain. Le docteur Sophie Le Cœur,
également responsable de PHPT, est spécialiste en médecine tropicale, elle a débuté sa
carrière en faisant en parallèle de la médecine clinique et de la recherche sur la santé
maternelle et infantile à Brazzaville au Congo. Elle a participé, dès 1985, à l'un des
premiers programmes de recherche sur le Sida de la mère et de l'enfant en Afrique dans
le cadre de l'INSERM U13. Ses travaux de recherche sur la transmission du VIH de la
mère à l'enfant, les facteurs cliniques et immunologiques associés à la transmission, le
conseil et la prise en charge psycho-sociale et les problèmes éthiques liés à la recherche
sur le SIDA dans les pays en voie de développement, ont aussi contribué largement à
la compréhension de l'épidémie en Afrique. Elle est actuellement responsable du projet
phare « Impact du VIH/Sida dans les pays en développement » à l'INED, et membre
de la commission scientifique 6 (pays en voie de développement) de l'ANRS. Elle fait
également partie du bureau éditorial de la revue
Reproductive Health Matters et des
éditions de l'INED, et est l'un des experts du groupe
Monitoring AIDS Pandemic. C'est
donc en 1996, que Marc Lallemant, Sophie Le Cœur et Gonzague Jourdain, médecin
épidémiologiste de Harvard, implantent le programme PHPT à Chiang Mai avec les essais
cliniques PHPT-1 et PHPT-2. Depuis 2001 le programme a un statut d'unité mixte de
recherche internationale à l'IRD : « Epidémiologie Clinique, Santé Maternelle et Infantile,
et Sida en Asie du Sud-est – PHPT IRD URI 174 » et peut être considéré comme un
véritable réseau d'expertise où participent des chercheurs de l'INED, de l'INSERM, de
l'ANRS (Agence Nationale de Recherche Sida), de l'université de Tours, de l'Institut Pasteur
en France, de Harvard University, de l'University of Massachussets, de Columbia University,
des réseaux PACTG (Paediatric AIDS Clinical Trials Group) et PENTA (Paediatric European
Network for Treatment of AIDS), et du National Institute of Health aux Etats-Unis, de
l'université de Padoue en Italie, du Medical Research Council à Londres, de l'université de
Chiang Mai et de l'université Mahidol en Thaïlande. Les chercheurs (cliniciens, virologistes,
épidémiologistes, statisticiens, biologistes, pharmaciens) de PHPT travaillent en étroite
collaboration avec le Ministère de la Santé Publique thaïlandais et implantent leurs études
dans 39 hôpitaux publics du pays. De plus PHPT participe au programme Franco-Thai
financé par les ministères de la recherche et de l'éducation thaïlandais et français et permet
à des échanges d'étudiants et de professeurs.
Ce collectif d'experts ainsi introduit la méthodologie de l'essai contrôlé (ETC) sans
placebo en Thaïlande. Préalablement conçue pour la recherche agricole, elle fut mise en
place dès 1948 en Grande Bretagne par le
British Medical Council pour tester la molécule
streptomycine contre la tuberculose. C'est après la seconde guerre mondiale, que cette
pratique s'est imposée aux Etats-Unis grâce à l'alliance d'acteurs relativement hétérogènes
constitué de médecins, de statisticiens, d'agents de l'administration et de directeurs de
revues scientifiques. L'ETC représente à cette époque un progrès scientifique fondamental
car il a pour but de contrôler la production des firmes pharmaceutiques et il permet de
lutter contre l'enthousiasme empirique des cliniciens pour les nouveaux produits proposés
par cette même industrie, qui dans sa logique de profit risque de vendre des médicamentsmal évalués et inefficaces29. C'est au début des années 50 que le Dr Schwartz initie cette
méthodologie avec le principe comparatif qui repose sur une division des patients en deux
groupes. L'un reçoit la nouvelle molécule à évaluer tandis que l'autre reçoit un traitement
29 MARKS H,
The progress of experiment science and therapeutic reform in the United States, 1900-1990, Cambridge,
Cambridge University Press, 199716
MURGUE Caroline_2007
1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international
de référence déjà validé et couramment utilisé pour soigner les affections visées par l'essai.
En l'absence d'un traitement de référence, les patients reçoivent un placebo c'est-à-dire
une substance inactive. La randomisation et le double aveugle, sont deux autres techniques
qui permettent de renforcer la fiabilité de l'ETC pour limiter l'influence de facteurs externes.
La randomisation est la répartition par tirage au sort des patients participant à l'essai et
le principe de double aveugle est le fait de maintenir les cliniciens et les patients dans
l'ignorance totale du traitement reçu jusqu'à la fin de l'essai. Cependant l'utilisation du
placebo a nourri de vives controverses. Au x Etats-Unis, deux camps se sont opposés ; d'un
côté les « humanitarian impulse » du
National Cancer Institute considèrent que l'utilisation
du placebo est éthiquement intolérable surtout s'il s'agit de patients menacés de mort, de
l'autre les partisans de la « sound science » jugent que le placebo permet de préserverla rigueur scientifique30. Concernant la recherche VIH/Sida, en 1995, une étude menée
par l'ANRS pour tester un traitement simplifié contre placebo pour prévenir la transmission
mère-enfant en Afrique, est dénoncée par l'association Act-Up, association de malades VIH/
sida. En effet, il existe déjà un traitement de référence dans les pays du Nord. Act-Up critique
le travail de façade des institutions publiques qui sont en réalité inactives pour mettre à
disposition les médicaments antirétroviraux dans les pays du Sud. Ces scandales autour
de la transmission materno-fœtale continuent en 1997, lorsque les autorités américaines
et ONUSIDA sont mises en accusation par l'association
Public Citizen, et dans un article
du
New England Journal of Medicine écrit le docteur John Lurie du
Public Citizen's Health
Group association de défense des consommateurs. Les attaques visent plusieurs essais
cliniques contre placebo conduits dans neuf pays d'Afrique, en République Dominicaine,
et en Thaïlande (essai clinique réalisé par le groupe HIV-NAT, affilié à l'université John
Hopkins) sous la responsabilité du gouvernement américain et de l'ONUSIDA. Dès lors,
les essais cliniques contre placebo dans les pays du Sud sont définitivement supprimés en1998, lors de la publication des résultats de l'essai PHPT-131
1.2.1.2 : Des fonds privés et publics nationaux et internationaux
La structure en réseau de PHPT, permet un financement public et privé des études
biomédicales. Les chercheurs internationaux sont payés par leurs instituts qui financent
également certains projets. Les ONG telles que Oxfam et Sidaction financent prioritairement
des études pilotes de petite envergure concentrées dans une région. Elles doivent pouvoir
servir d'exemple dans la mise en place d'études similaires à échelle nationale et financées
cette fois-ci par des fonds publics. Le programme PHPT/Oxfam d'accès aux soins et aux
traitements antirétroviraux de qualité dans le nord de la Thaïlande initié en 2002 et à
laquelle participent 5 hôpitaux publics de la région de Chiang Mai a pu servir de modèle
pour une étude similaire étendue à 39 hôpitaux publics à travers toute la Thaïlande. Cette
étude financée par le Fonds Mondial de lutte contre le Sida (GFATM), le Paludisme et la
Tuberculose a débuté en 2003. Elle doit permettre aux chercheurs de PHPT et au Ministère
de la Santé Publique thaïlandais de fournir des traitements gratuitement et de contrôler la
santé de 2016 adultes et enfants infectés par le VIH/sida. Dans une logique de coopération
on voit que les financements des programmes de PHPT sont pour la majorité issus de fonds
publics internationaux ou de fonds publics et privés étrangers à la Thaïlande. La nature
des financements oblige donc à une stricte transparence. Le budget doit être détaillé afin
30 EDGAR H, ROTHMAN D « scientific rigor and medical realities : placebo trials in cancer and AIDS research », in Elizabeth
Fee and Daniel Fox, ed., AIDS :
the making of a chronic disease, University of California Press, 1992, p.194-206
31 DODIER N,
Leçons politiques de l'épidémie de sida, éditions EHESS, Paris, 2003, p.283
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
de contrôler la gestion des investissements. De plus des visites régulières des bailleurs de
fonds sont nécessaires pour évaluer la qualité des travaux.
PHPT permet donc de transférer une part de l'aide mondiale et d'injecter des ressources
monétaires issues des pays industrialisés au sein de la Thaïlande. Ces aides peuvent
s'inscrire de multiples manières dans l'économie du pays. Tout d'abord elles permettent
de rééquilibrer le budget de l'Etat Thaïlandais comme c'est le cas des fonds versés par
le GFATM. La maladie touche principalement la population active entre 15 et 49 ans
et affecte directement l'équilibre budgétaire de l'Etat car il diminue les recettes fiscales
tout en augmentant les dépenses pour les services de santé nécessaires à la population
globale. Ces aides internationales permettent également d'offrir des débouchés pour les
fournisseurs locaux, comme l'entreprise pharmaceutique nationale GPO (sous l'égide
du Ministère de la Santé Publique) qui fournit les traitements antirétroviraux génériques
pour le programme PHPT/Oxfam. Il en résulte des arbitrages entre l'achat local de
produit ou l'importation directe de matériel, nécessaire pour certains équipements, ou de
médicaments. Ces aides peuvent enfin créer un marché de l'emploi et contribuer également
à former une main d'œuvre spécialisée dans le VIH/sida.
1.2.2 : Importer la recherche biomédicale dans un pays du Sud
1.2.2.1 : PHPT, une « universalisation pondérée »
Les experts de PHPT oeuvrent pour une « universalisation pondérée »32 qui doit se
comprendre dans le contexte de l'internationalisation de la recherche. Ce concept qui
s'applique à la recherche menée dans les pays du Sud, prend en compte les spécificités
économiques, biologiques et culturelles propres à ces pays. Etant donné ces différences
entre les pays industrialisés et les pays en développement, les chercheurs occidentaux
estiment qu'en introduisant les essais cliniques au Sud, il est nécessaire de refaire leur
démonstration et de pousser la preuve au plus loin, surtout s'il s'agit de tester l'efficacité
des traitements simplifiés ou de médicaments génériques. Les études de PHPT enpharmacokinésie33 menées par le Docteur Tim Cressey, affilié à Harvard, cherchent à
prouver que des différences biologiques (poids et taille, par exemple) existent entre les
patients thaïlandais et les patients occidentaux et que les médicaments ne doivent pas être
dosés de la même manière. Les chercheurs ne cherchent donc pas à faire de « l'ingérence »
scientifique et imposer des normes centrées sur des visions uniquement occidentales. De
plus c'est dans un esprit de coopération avec les infrastructures locales que PHPT travaille.
La collaboration entre l'entreprise GPO et les chercheurs de PHPT, ne s'arrête pas à la
procuration de traitements pour les patients du programme PHPT/Oxfam, mais continue
dans l'élaboration d'un médicament antirétroviral adapté aux enfants thaïlandais sous formede gomme à mâcher34.
Pour comprendre les spécificités de la Thaïlande l'avis de comités éthiques locaux est
donc important pour encadrer les études biomédicales de PHPT. Le déni de cette capacité
32 DODIER N,
op.cit., 2003, p.284
33 Cette discipline cherche à comprendre les réactions biologiques face à une molécule
34 CRESSEY T, P1056: A Phase I/II Open Label Pharmacokinetic and Safety Study Of the Fixed-Dose Combination (FDC) ofStavudine (D4t), Lamivudine (3TC) and Nevirapine (NVP) as GPO-VIR® Pediatric Chewable Tablets Versus the Individual LiquidFormulations in HIV-Infected Children ≥ 6 Months to < 13 Years of Age in Thailand18
MURGUE Caroline_2007
1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international
de jugement reconnus par les autorités sanitaires de ce pays serait en effet problématique
et constituerait une preuve de domination des pays du Nord sur les pays du Sud.
1.2.2.2 : Le contrôle social thaïlandais de la recherche biomédicale
Suite à de nombreux scandales liés à l'expérimentation biomédicale, le contrôle éthique est
devenu un enjeu international. Les expériences nazies dans les camps de concentration, ontamené le Tribunal militaire américain à édicter en 1947 le code de Nuremberg35 qui formalise
certaines règles destinées à guider les médecins dans leur pratique d'expérimentation
et à protéger le patient par l'accord d'un consentement volontaire. Ces premières règles
définissant le consentement éclairé, c'est-à-dire l'obligation par les chercheurs d'informer les
patients sur la nature, la durée, le but, les méthodes et les moyens employés, les bénéfices
et les risques encourus, et enfin la possibilité pour le patient d'arrêter l'expérimentation à
tout moment, seront revues et adoptées par l'Association Médicale Mondiale en 1964 àHelsinki, et modifiées en 1974 à Tokyo et en 1983 à Venise. La déclaration d'Helsinki36
qui est actuellement le texte de référence dans la plupart des pays expérimentateurs place
les intérêts du sujet au premier plan : « Les intérêts du sujet doivent toujours passer
avant ceux de la science ou de la société » (art 1-5). L'expérimentation, en accord avec
les données scientifiques les plus récentes et précédées d'une expérimentation animale,
est décrite dans un protocole qui est soumis à l'avis d'un comité indépendant désigné à
cet effet. Le protocole doit faire état de cette déclaration. Le sujet doit être informé de
manière adéquate des objectifs, méthodes et bénéfices escomptés ainsi que des risques.
Et son consentement libre et éclairé sera obtenu de préférence par écrit. La déclaration fixe
également les conditions du consentement pour les personnes vulnérables.
Aux Etats-Unis, deux études ont amené les autorités à encadrer strictement la
recherche médicale. En 1963, éclate l'affaire du
Jewish Chronic Hospital de New York
où les personnes âgées se voyaient injecter des cellules dont le caractère cancéreux
leur était caché. En 1972, fut rendue publique l'étude de Tuskegee qui visait à étudier
l'histoire naturelle de la syphilis non traitée sur des hommes noirs issus de régions rurales.
L'étude commença dans les années 1930, avant que la pénicilline ne fût disponible, mais
elle se poursuivit bien après que cet antibiotique fût devenu un traitement courant. Les
patients furent privés à la fois du traitement et de l'information, car à aucun moment
ils n'eurent la possibilité de donner leur consentement. En 1974, le
National Institute of
Health et le
Public Health Service élaborent de nouvelles règles éthiques et créent de
nouvelles instances mises en place dans les hôpitaux, les
Institutional Review Board (IRB)
destinées à examiner les protocoles de recherches et les conditions dans lesquelles le
consentement des malades est recueilli. En France, la loi Huriet-Sérusclat de 1988 crée
une instance similaire, les Comités Consultatifs de Protection des Personnes dans la
Recherche Biomédicale (CCPPRB) qui font appel à des personnes extérieures au monde
médical (juristes, éthiciens, philosophes). Elle fait suite à « l'affaire d'Amiens » dans laquelle
un produit fut testé par un clinicien sur un malade hospitalisé dans un coma avancé,
indépendamment de toute recherche à finalité thérapeutique et sans le consentement de la
famille. Par ces exemples on voit que les comités éthiques permettent d'ouvrir la recherche
clinique à de nouveaux acteurs non scientifiques.
35 THE NUREMBERG CODE [from
Trials of War Criminals before the Nuremberg Military Tribunals under Control Council Law No.
10.Nuremberg, October 1946–April 1949. Washington, D.C.: U.S. G.P.O, 1949–1953.]36 AMM,
Déclaration d'Helsinki, recommandations destinées à guider les médecins dans le domaine des recherches biomédicales,juin 1964
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La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
PHPT a mis en place les
Community Advisory Board (commissions d'éthique
indépendantes) en se calquant sur le modèle des IRB aux Etats-Unis et en se basant sur laDéclaration de Manille37. Ce texte élaboré en 1981 par l'OMS et le CIOMS (Conseil pour les
Organisation Internationales des sciences médicales) élargit le champ de la recherche à la
recherche communautaire et établit des règles de protection pour la recherche dans les pays
en voie de développement notamment par la vérification des protocoles par des comités
éthiques indépendants locaux. Les commissions d'éthique indépendantes qui examinent les
protocoles de PHPT, doivent faire respecter les quatre principes éthiques de la recherche
clinique : l'autonomie (respect des préférences des personnes), la bienfaisance (respect
des idéaux de vie), la non malfaisance (ne pas blesser) et la justice (distribuer équitablement
les charges et les bénéfices). Ces commissions sont des instances qui s'interposent entre
les chercheurs, les cliniciens et les malades et ouvrent la participation des représentants
locaux de lutte contre le sida à la recherche biomédicale. Ceux-ci sont des religieux
(moines et sœurs), des représentants de communautés de patients, des médecins, des
infirmières, des professeurs, des membres de famille de patients, des personnes issues
des pouvoirs publics et des activistes. Cette initiative de contrôle permanent de la société
thaïlandaise s'appuie donc sur une confiance dans la rapidité de diffusion institutionnel de
l'éthique international et considère chaque culture comme à même d'évaluer les valeurs
humaines. Les protocoles pour reprendre les expressions de Janine Barbot sont donc des« entités négociables » qui présente un « compromis dans la science »38. En effet, les
amendements sont une manière de renégocier le protocole qui peut ne plus être conforme
aux connaissances scientifiques du moment. Par exemple l'essai clinique, PENTA-11, étude
initiée par le
Paediatric European Network for Treatment of AIDS ou Réseau pédiatrique
européen pour le traitement du sida en français (PENTA) et auquel participe PHPT, étudie
chez les enfants une interruption de traitement, il a été plusieurs fois amendé notamment
lorsque des études ont démontré que l'interruption des traitements, chez les adultes, était
défavorable pour leur santé. L'essai clinique a été arrêté quelques semaines puis a été repris
avec un protocole qui comportait des amendements permettant de renforcer la sécurité des
patients. Enfin, cet examen critique de la science par la société est fondamental dans un
pays en développement, car la participation à un essai clinique peut constituer un des seuls
moyens pour un malade, confronté à une mort certaine, d'avoir accès à des traitements
jugés efficaces. Un patient du programme PHPT/Oxfam confie : «
Sans les traitements
antirétroviraux fournis gratuitement par PHPT/Oxfam, je serais déjà mort » (extrait d'un
entretien sur le terrain, patient de la communauté de patients de Sansai, 7 février 2006)
1.2.3 : L'administration de PHPT par les Thaïlandais
Pour coordonner les différents travaux scientifiques, le centre administratif de PHPT est
établi à Chiang Mai et réunit 70 personnes de nationalité thaïlandaise et 7 personnes
expatriées de nationalité étrangère. Les employés thaïlandais peuvent être considérés
comme une main d'œuvre qualifiée, puisqu'ils sont tous titulaires d'un
Bachelor degree (Bac
+4) en business et administration, informatique, infirmerie. Leurs motivations principales
pour travailler à PHPT sont tout d'abord le salaire plus élevé qui leur est offert. Le salairemoyen thaïlandais est de 4 000 Bahts par mois39, et le salaire minimum à PHPT est
de 8 000 Bahts et peut s'étendre jusqu'à 20 000 Bahts selon les responsabilités. Puis
37 OMS/CIOMS,
Déclaration de Manille, à propos de la recherche impliquant des sujets humains, 1981
38 BARBOT J,
Les malades en mouvements : la médecine et la science à l'épreuve du Sida, voix et regards, Ballard, Paris, 2002
39 48 Bahts = 1 euro20
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1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international
l'environnement international de travail qui leur permet de progresser en anglais et d'avoir
accès à de nouvelles technologies, enfin les enjeux liés à la recherche VIH/sida. Toutes
les personnes interrogées connaissent en effet au moins une personne malade dans leurentourage. Cependant, il s'avère que le turn-over est important à PHPT40. La différence entre
culture occidentale et culture orientale semble être le principal facteur de démission. Les
difficultés à tenir un rythme élevé de travail, les problèmes de compréhension, l'exigence
des chercheurs, la diversité des tâches à accomplir alors qu'elles ne correspondent pas à
la description de leur poste, amènent les employés à demander un management adapté
par la création d'un poste en ressources humaines. Beaucoup se plaignent des heures
supplémentaires, du stress accumulé et de la façon dont on leur demande d'exécuter
leurs tâches. En effet les
Standard Operation Procedures qui définissent le travail de
chaque employé et permettent de respecter les Bonnes Pratiques Cliniques exigées par
le gouvernement américain, empiètent souvent vers d'autres responsabilités. Une des
raisons de cette extension de responsabilités à d'autres domaines est dû à l'ajustement
et le compromis qui apparaissent régulièrement dans les programmes de développement
où il faut s'adapter aux particularités du terrain. Nombreux sont les responsables des
programmes de développement qui doivent « apprendre à s'accommoder d'une qualité peut
être inférieure à celle à laquelle ils sont attachés, mais qui a le mérite d'être mise en œuvrepar les personnels locaux »41.
L'administration de PHPT exige de répondre à des critères imposés par les bailleurs de
fonds. Pour développer les connaissances liées au VIH/Sida et permettre aux Thaïlandais
de mieux gérer la maladie, le système de formation est exigé par les partenaires
institutionnels qui demandent à ce que toutes les personnes travaillant à PHPT suivent
la déontologie des Bonnes Pratiques Cliniques. Les essais cliniques s'appuient sur des
normes internationales qui doivent être respectées au Nord comme au Sud afin de garantir
la fiabilité des résultats et protéger le patient. Le 30 et 31 janvier 2006, les chercheurs,
médecins, infirmières et le personnel technique et administratif de PHPT ont dû suivre
la formation dispensée par l'organisme PPD, délégué par le gouvernement américain.
D'autres formations spécialisées dans les domaines scientifiques auxquels PHPT participe
et menées par des experts internationaux, permettent aux Thaïlandais d'approfondir leurs
Les différents corps de métiers observés de PHPT à Chiang Mai :
Les chercheurs : de nationalité européenne (français, anglais, italien, américain) et
thaïlandaise. Ils élaborent les protocoles des études ou des essais cliniques, les font revoir
par des comités éthiques locaux avec qui ils rédigent le formulaire de consentement destiné
aux futurs patients. Ils écrivent les demandes de financement et les rapports. Ils évaluent
les données récoltées et tirent des conclusions qui permettent de vérifier leurs hypothèses.
Les médecins cliniciens : de nationalité thaïlandaise, ils sont en charge mettre en place
les études et les essais cliniques dans les hôpitaux où ils travaillent. Ils sont en relation
étroite avec les patients chez qui ils contrôlent l'état de santé. Ils sont en charge de rapporter
les données cliniques de chaque patient dans des formulaires. Ils doivent prévenir l'assistant
de recherche clinique ou directement infirmières de recherche du centre de coordination de
tout évènement contraire qui survient chez un patient.
Les infi rmières : de nationalité thaïlandaise, elles aident les médecins cliniciens
dans leur collecte d'informations. Elles doivent prévenir également l'assistant de recherche
40 Lors de mon séjour j'ai pu noter que tous les mois un employé démissionnait.
41 DAUVIN P, SIMEANT J,
Le travail humanitaire, Presses de Sciences po, 2002, p. 224
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
clinique ou directement les infirmières de recherche du centre de coordination de tout
évènement contraire qui survient chez un patient. Elles sont en charge de faire les prises de
sang pour recueillir les échantillons de plasma ou de sang qui seront transmis au laboratoire
du centre de coordination
Les assistants de recherche clinique : de nationalité thaïlandaise, ils font le lien entre
le centre de coordination et les hôpitaux. Ils doivent recueillir les formulaires où sont
inscrites les données cliniques de chaque patient et les transmettre au centre de traitements
des données. Ils vérifient l'état du matériel fourni aux hôpitaux, ainsi que les stocks de
médicaments et de matériel nécessaire au déroulement des essais. Ils doivent prévenir les
infirmières de recherche de tout évènement contraire survenu chez un patient.
Les infirmières de recherche : de nationalité thaïlandaise, elles sont en charge de traiter
les évènements contraires qui surviennent chez un patient et le résoudre pour communiquer
la solution au médecin clinicien. Si le cas est trop complexe elles doivent se référer au
chercheur qui indiquera la marche à suivre.
Les laborantins : de nationalité thaïlandaise, ils doivent analyser tous les échantillons
sanguins et plasma qui sont récoltés dans les hôpitaux et transmettre les données au centre
de traitement des données.
Le centre de traitement de données : de nationalité thaïlandaise, les personnes
y travaillant doivent récolter et vérifier toutes les données cliniques recueillies sur les
formulaires et les informatiser. Elles doivent vérifier à deux reprises si les données sont
justes. Elles doivent classer les formulaires. Elles doivent transmettre les données aux
Les coordinateurs de projet : de nationalité thaïlandaise ou anglaise, il sont en charge
de récolter toutes les informations relatives au projet qu'ils coordonnent. Ils sont en relation
avec les bailleurs de fonds, les institutions partenaires, les hôpitaux, les chercheurs, les
médecins. Ils doivent rédiger les rapports demandés par les partenaires institutionnels.
Les traducteurs : de nationalité thaïlandaise, ils sont en charge de traduire tous les
documents d'anglais à thaïlandais et vice versa. Une double vérification permet de savoir
si les termes utilisés sont appropriés : si un document anglais est traduit en thaïlandais il
doit être à nouveau retraduit en anglais.
Les informaticiens : de nationalité thaïlandaise et française, ils sont en charge de la
maintenance informatique et de la mise au point de programmes informatiques.
Les comptables : de nationalité thaïlandaise, ils doivent vérifier les comptesLes administrateurs : de nationalité thaïlandaise, ils sont en charge de toute
l'administration : courrier, rendez-vous, réunions, etc.
1.2.4 : Faire interagir le savoir de chaque groupe pour limiter le Sida
La Thaïlande, par ses plans nationaux multisectoriels de lutte contre le VIH/sida et par
l'ouverture de ses infrastructures médicales à la recherche biomédicale, peut être considéré
comme un pays mettant en place la « modernité thérapeutique d'Etat » que Nicolas Dodier
définit comme « un ensemble institué de dispositifs, d'instances, de notions et d'acteurs,
tous soutenus par des lois et des règlements, et qui se sont substitués pour partie, en
matière d'innovation thérapeutique, à l'autorité morale et cognitive du clinicien concernant
MURGUE Caroline_2007
1. La Thaïlande, point d'ancrage d'un réseau scientifique VIH/Sida international
les malades dont il est personnellement en charge »42. Le groupe PHPT peut être identifié
comme un collectif d'expertise transnationale destiné à entreprendre des études pour
redéfinir les normes nationales et internationales VIH/sida liées aux pays à ressources
limitées. Considéré comme un réseau international, PHPT permet de faire participer autour
d'une même cause et dans un même pays des acteurs multiples.
A travers cette configuration en réseau, PHPT se fait expert d'une médecine
transnationale où les connaissances et les compétences peuvent être partagées rapidement
entre les chercheurs au niveau mondial et transférées entre les pays industrialisés
et la Thaïlande. Cette organisation présente les avantages d'agir localement dans un
effort global. Les ressources internes thaïlandaises sont utilisées selon des normes
internationales qui s'adaptent aux infrastructures nationales. PHPT vient donc prouver
la thèse transnationale de Joseph Nye et Robert Keohane qui affirme que les relationsinternationales ne sont plus le jeu exclusif des Etats43. Le concept de transnationalisme
tend à prouver que les sociétés ne peuvent plus s'ignorer et s'influencent entre elle ce qui
engendre des conséquences sur les relations entre Etats. Pour Wolfram Kaiser, la société
transnationale est un système d'interactions dans un domaine particulier entre des acteurs
sociétaux appartenant à des systèmes nationaux différents. Cette société transnationale
n'existe pas géographiquement. Il n'y a pas de société mondiale mais de plus en plusde phénomènes mondiaux que la sociologie ne peut ignorer44. Par sa diffusion rapide à
travers le monde et le tissage de connaissances qui en émane pour y faire face, on voit
que le VIH/Sida ne peut pas se limiter à la seule gouvernance étatique et nécessite des
interventions transversales où interviennent des acteurs non étatiques. Cette ouverture de
la scène internationale à des réseaux d'expertise engendre non seulement une diffusion
rapide de connaissances adaptées à chaque terrain et chaque situation mais permet de
former à l'échelle mondiale une véritable société de lutte contre le VIH/sida qui alimente
les flux transnationaux destinés à limiter sa propagation. Ces flux peuvent être identifiés
comme les experts de la lutte contre le sida (chercheurs, étudiants, ONG, associations
communautaires), les connaissances produites au Nord comme au Sud, les traitements
et les équipements, et les ressources financières. Dans un contexte d'urgence sanitaire,
l'ouverture des politiques de développement à ces nouveaux groupes sociaux que sont
les scientifiques, médecins, activistes et patients est un moyen pour les Etats et les
organisations internationales de faire appliquer leur stratégie par des acteurs locaux et
internationaux sur des terrains spécifiques. Mais l'adaptation de ces politiques dans des
endroits précis par la société civile spécialisée dans le VIH/Sida, amène par conséquent
ces acteurs à redéfinir les enjeux de ces normes internationales ainsi que leur contenu
selon une vision d'équité mais également d'intérêts particuliers. La deuxième partie fera
donc l'objet d'une analyse approfondie d'un programme d'accès aux soins et traitements
antirétroviraux conduit par PHPT et Oxfam auprès de communautés de patients de Chiang
Mai. Nous verrons de quelles manières une stratégie occidentale de prise en charge du VIH/
Sida, la santé communautaire, peut s'articuler avec les spécificités locales. Puis nous nous
intéresserons aux relations qu'entretiennent patients locaux, médecins locaux et experts
internationaux avant de se concentrer sur les formes de solidarité conduits par les patients
thaïlandais de Chiang Mai grâce à un réseau de communautés de patients.
42 DODIER N,
op.cit.,, 2003, p.51
43 KEOHANE RO & NYE JS,
op.cit, 1977
44 KAISER W, « La politique transnationale. Vers une théorie de la politique multinationale. », in BRAILLARD P,
Théorie des
relations internationales, PUF, Paris, 1977, pp.227-247
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
2. L'accès aux soins et aux thérapies
VIH/Sida modernes par la santé
communautaire à Chiang Mai
2.1 : L'articulation des normes internationales au
niveau local
2.1.1 : Le programme PHPT/Oxfam : procurer des traitements et
diffuser un savoir spécialisé dans le VIH/Sida
De nombreuses divergences ont lieu autour du concept de santé communautaire qui est
une composante importante des stratégies de développement. Ce concept est associé
à la notion de soins de santé primaires (SSP) officialisée en 1978 dans la DéclarationD'Alma-Ata de l'OMS pour promouvoir et protéger la santé de tous les peuples45. Paradigme
essentiel des politiques de développement, les SSP doivent être compris comme les soins
de santé essentiels accessibles par tous à un moindre coût. Cette définition implique que
la communauté joue un rôle central dans leur mise en œuvre.La Charte d'Ottawa du
21 novembre 1986 déclare que les politiques de santé publique doivent privilégier une
approche de santé communautaire, où les communautés doivent participer concrètement :
« à la fixation des priorités, à la prise des décisions et à l'élaboration et à la mise en
œuvre des stratégies de planification en vue d'atteindre une meilleure santé. » Cette prise
en charge de la santé par les groupes de patients doit permettre de développer l'auto-
assistance et le soutien social ainsi que la participation et le contrôle du public en matière
de santé et par conséquent développer une démocratie locale. « Cela exige un accès total
et permanent à l'information et aux possibilités d'acquisition de connaissances concernantla santé, ainsi qu'une aide financière. »46
Le programme PHPT/Oxfam d'accès aux soins et traitements antirétroviraux de qualité
dans le nord de la Thaïlande, mis en place en 2002, s'inscrit donc dans une logique
de santé communautaire. Il a pour mission d'autodéterminer 5 hôpitaux de la région de
Chiang Mai (Sankampang, Doi Saket, Mae On, Nakornping et Sansai) et de fournir des
traitements antirétroviraux aux patients les plus pauvres et les plus malades. Le but de
PHPT et Oxfam est d'établir un programme durable fournissant les soins de plus haute
qualité à travers l'implication active des patients, la création d'un réseau pour les équipes
médicales et le développement d'informations sur les traitements et les soins pour les
personnes vivant avec le VIH/sida, afin d'être disséminé et utilisé pour un lobbying local etinternational47. Cette action de participation communautaire prend corps dans les objectifs
45 OMS/FISE,
Déclaration d'Alma-Ata.
Les soins de santé primaire, OMS, Genève, 12 septembre 1978
46 OMS,
Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé, OMS, Genève, 21 novembre 1986
47 Cf. Annexe 1 : description du programme PHPT/Oxfam
MURGUE Caroline_2007
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à Chiang
d'Oxfam et des autres partenaires de PHPT qui visent à étendre l'accès des médecines
essentielles. La notion doit s'entendre ici comme le moyen de répondre à l'objectif global
d'accès universel aux médicaments antirétroviraux grâce à l'articulation des connaissances
internationales et des exigences locales. Cette articulation doit se faire par l'implication des
acteurs locaux directement touchés par le problème du VIH/sida afin qu'ils puissent dans
le futur gérer eux-mêmes la crise sanitaire. Pierre Fournier et Louise Potvin estiment que
la participation communautaire doit être entendue comme un élément de processus et une
finalité des politiques de développement. En effet la participation de la communauté permet
de mettre en œuvre ces soins, mais cette participation constitue également « une finalité outout du moins une composante importante du développement global. »48 Selon eux, cette
participation peut suivre trois formes de logiques non exclusives : la vision utilitariste, la
conscientisation ou l'investissement du pouvoir et le jeu démocratique qui vise à redistribuer
le pouvoir d'une manière consensuelle. PHPT et Oxfam malgré leurs intentions d'ouvrir la
production de connaissances scientifiques aux principaux bénéficiaires que sont les patients
cherchent avant tout à ce que leur programme soit efficace. Oxfam, ONG de plaidoyer
conduit des actions locales pour qu'elles puissent par la suite servir d'exemple dans ses
campagnes de lobbying. Elle a donc un intérêt fondamental à ce que les programmes qu'elle
met en place réussissent. La santé communautaire à Chiang Mai est de ce fait un enjeu
politique de première importance car elle doit démontrer que l'accès à des soins de qualité
et des traitements appropriés à chaque cas constitue la stratégie la plus adaptée à la lutte
contre le VIH/Sida dans les pays en développement. Si l'accès aux traitements est le credo
principal de cette action, et que les droits humains fondamentaux en sont les garants, on voit
que la participation communautaire est un moyen d'intégrer au mieux la culture pour pouvoir
la modifier ensuite selon une vision qui n'en reste pas moins occidentale. Pour Didier Fassin,
la participation communautaire ne traduit pas forcément les besoins réels de la population,cette participation pouvant être de surcroît arbitrée selon la vision du développeur49. La
dynamique initiale est impulsée de l'extérieur. Les communautés doivent répondre aux
impératifs de PHPT et Oxfam Thaïlande qui procèdent selon les contraintes des bailleurs
de fonds à l'étranger. Le principal partenaire financier du programme est en effet Oxfam
en Grande Bretagne. Cette dimension utilitariste semble donc contraire à la mise en place
d'une réelle démocratie locale qui doit de surcroît venir de l'émanation des communautés de
patients. De plus dans la logique d'égalité que la démocratie implique les patients devraient
être en mesure de définir les objectifs avec les autres acteurs participant au programme.
Enfin la participation communautaire dans le programme PHPT/Oxfam comporte quelques
limites. Le principe d'éligibilité pour participer au programme est une barrière de plus à
la notion de démocratie. Seuls quelques malades de la région de Chiang Mai peuvent
bénéficier des soins et des traitements fournis gratuitement. Ils doivent correspondre aux
critères imposés par les deux organisations occidentales, c'est-à-dire, un statut socio-
économique précaire et un état de santé « critique ». Le programme est en effet destiné
aux populations vulnérables.
2.1.2 : Les logiques de la stratégie de santé communautaire
Susan Rifkin identifie quatre axes majeurs pour expliquer la participation communautaire
dans le domaine de la santé. Tout d'abord cette méthode justifie l'introduction de
48 FOURNIER P, POTVIN L,
op.cit, 1995, p. 40
49 FASSIN D, JEANNE E, SALEM G, REVILLON M, « Les enjeux sociaux de la participation communautaire. Les comités de
santé à Pikine (Sénégal) », Sciences sociales et santé, vol. 4, 1986, p.205-221
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
changements de comportements dans des environnements où la technologie est peu
développée et peut efficace pour améliorer la santé, c'est le cas des Ensuite, la population
doit participer à tous les stages de la planification d'une intervention de santé publique afin
d'améliorer l'utilisation des services de santé. C'est le cas des communautés de patients
et du corps médical local qui ont un rôle primordial dans la conduite du programme. Cette
participation permet également de mobiliser les ressources de la communauté. Enfin, elle
permet d'augmenter la confiance au sein des participants qui développent ainsi le sens de
l'auto responsabilité et peut élargir la participation à des activités communautaires de plusgrande ampleur50.
Pour Didier Fassin, la santé communautaire répond à quatre logiques51. En premier
lieu, elle permet de former des agents de santé pour réaliser des actes médicaux de base,
dans le cadre du programme PHPT/Oxfam cette logique est approfondie car il s'agit non
seulement d'apprendre aux patients à gérer leurs traitements mais il s'agit avant tout de
former des experts médicaux en VIH/sida. En second lieu elle permet de développer une
méthode de représentation qui permet aux responsables de santé publique d'avoir des
interlocuteurs lors de la mise en œuvre de leur réforme sanitaire, cette dimension est
conforme à la politique de PHPT/Oxfam qui sollicite les patients à évaluer le programme,
grâce à des réunions mensuelles qui réunissent les responsables des communautés et
ceux de PHPT et Oxfam. En troisième lieu, la participation communautaire vise à mobiliser
des populations sous la forme du volontariat pour les faire bénéficier d'un programme de
prévention. Ce point de vue s'applique également aux principes du programme PHPT/
Oxfam qui vise principalement l'accès aux soins et aux traitements. Enfin, cette méthode
sollicite financièrement les consommateurs de soins afin de leur apporter de meilleures
prestations. Cette logique financière n'est pas imputable à PHPT et Oxfam qui procurent
des soins et traitements gratuitement à tous les participants.
2.1.3 : La nécessité de former les populations locales pour développer
les infrastructures médicales à Chiang Mai
Pour mener à bien les études et permettre de développer les infrastructures médicales
thaïlandaises, PHPT et Oxfam doivent mener constamment des formations destinées au
corps médical, aux patients et à leur famille et au reste de la population impliquée dans
la lutte contre le sida. La formation continue sur le VIH/sida est essentielle en raison
du savoir scientifique en constante évolution. Avant d'implanter leur programme, PHPT
et Oxfam ont dû conduire des formations intensives sur l'initiation et le monitorage des
traitements antirétroviraux auprès des médecins et infirmières qui n'étaient pas qualifiés
dans de domaine : «
Je voyais beaucoup de personnes atteintes de cette maladie dont on
ne connaissait pas le nom au départ. Depuis 1986, je me suis engagée auprès des patients
afin de les aider à lutter contre cette maladie. Très peu de médecins et infirmières voulaient
s'occuper d'eux, soit parce qu'ils avaient peur d'être contaminés soit parce que cette maladieétait une fatalité liée à leur vie précédente 52 .
De plus aucun médecin ne savait gérer cette
maladie. » (Extrait d'un entretien sur le terrain, infirmière de Mae On, 4 août 2006) En outre
50 RIFKIN S, MULLER F, BICHMANN W, « primary healthcare: on measuring participation", Social Science and Medicine, n°26,1988, pp.931-940
51 FASSIN D,
op.cit, 1996
52 La fatalité est une notion liée à la notion bouddhiste du karma. Voir
infra26
MURGUE Caroline_2007
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à Chiang
la prise en charge des personnes atteintes par le VIH/Sida, n'est souvent pas une vocation
de la part des médecins et infirmières. La majorité du corps médical a été assignée à s'en
occuper : «
(Pourquoi avez-vous choisi de travailler auprès des patients vivant avec le VIH/
sida ?) Je n'ai pas choisi, c'est la direction qui m'a transféré dans le service VIH/sida parce
qu'il n'y avait pas assez de personnel. (Extrait d'un entretien sur le terrain, infirmière del'hôpital Doi Saket, 1er août 2006).
Cette formation continue a permis d'établir un réseau de personnel soignant spécialisé
dans la médecine VIH/Sida. Les équipes hospitalières y participant sont maintenant les plus
expérimentées de la région. Trois des cinq médecins des hôpitaux participant au programme
PHPT/Oxfam sont désormais membres du Comité régional VIH. Les médecins thaïlandais
collaborant au programme et dorénavant spécialistes du VIH/sida, conduisent également
des formations auprès des patients et de leur famille pour apprendre aux patients à dévoiler
leur séropositivité et à assumer leur état de santé auprès de la société ou pour gérer les
traitements dans la vie quotidienne. Ils voient l'espoir que procure ces traitements qui ont
permis d'améliorer l'état de santé physique et psychologiques de leurs patients.
Ce système d'information prend également corps dans les réunions mensuelles entre
les chercheurs, le corps médical et les patients du programme, grâce à l'intervention
d'experts internationaux qui sont invités à enseigner leur spécialité sur les soins et les
traitements et les sujets allant du VIH/sida chez les enfants à la gestion des infections
opportunistes comme la tuberculose.
2.2 : Le décloisonnement du monde médical et
2.2.1 : L'implication des patients dans la production du savoir
Par le concept de santé communautaire, PHPT et Oxfam cherchent à instaurer une
démocratisation de la médecine et de la science en faisant du patient, du médecin et
du patient, des acteurs égaux dans leur savoir. Les chercheurs et médecins ayant des
connaissances scientifiques utiles au patient pour gérer ses traitements et le patient, des
connaissances psycho-sociales essentielles aux experts scientifiques qui peuvent ainsi
adapter les soins et traitements aux spécificités locales et personnelles. Le patient n'est
plus perçu comme un objet mais comme un sujet pouvant émettre des avis sur sa maladie.
La collaboration de PHPT et Oxfam dans la région de Chiang Mai, peut être comparée
à l'association française AIDES. Cette première génération d'association de lutte contre
le sida, créée en 1984, est reconnue d'utilité publique dès 1990 par le gouvernement
français car elle vise à faire du VIH/Sida une priorité de santé publique. Il s'agit d'une
association de soutien aux malades, qui informe et mobilise la société sur les enjeux du
VIH/Sida. Partenaire de l'ANRS, elle présente « le modèle de malade gestionnaire de samaladie »53 , c'est-à-dire un malade légitimé dans le monde médical car possédant des
53 BARBOT J,
op.cit, 2002
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
connaissances liées à son expérience directe avec la maladie et relatives aux sphères
sociales non médicales. Par comparaison PHPT a pour rôle d'informer et soutenir les
malades et Oxfam, ONG d'origine britannique spécialiste du plaidoyer et des actions de
terrain a donc pour mission de promouvoir ce modèle en Thaïlande et dans les autres pays
en développement afin de redéfinir les politiques publiques nationales et internationales.
Le partenariat chercheur-médecin-patient instauré dans ce programme, est typique des
maladies chroniques. En France dans les années 50, les diabétiques et les hémophiles ont
été amenés à réaliser eux-mêmes une série d'actes médicaux dans leur vie quotidienne. Ce
nouveau rapport à la maladie a entraîné des évolutions importantes dans le monde médical,
comme l'engagement collectif des malades et de leur famille qui créèrent des associations
liées entre elles pour pallier les carences de l'Etat et militer en faveur des compétences
spécifiques des malades dans le monde médical. Ces compétences étant celles qui sont
liées à leur existence sociale et qui doivent permettrent aux médecins d'adapter lestraitements afin que les patients puissent continuer à mener une vie quotidienne normale54.
La corrélation de cet exemple avec les patients du programme PHPT/Oxfam implique doncque le malade peut être désormais considéré comme un « réformateur » social55. Le savoir
spécialisé des médecins et des chercheurs est dès lors remis en question et s'ouvre à des
données liées à l'expérience directe du malade dans sa vie de tous les jours. Tout au long
de sa maladie le patient développe des compétences que lui seul peut maîtriser. Il apprend
à gérer et interpréter les symptômes dont il souffre et s'émancipe peu à peu des consignes
dictées par le médecin. Lorsqu'il décrit les symptômes au corps médical, il rend compte
des effets que les traitements ont sur lui. Cette évaluation permet d'adapter au mieux larecherche thérapeutique et la médecine. Cette idée du « malade auto-soignant »56 réserve
donc aux médecins et aux chercheurs les compétences d'évaluer uniquement ce qui dans
les traitements est relatif aux processus biologiques, car ils ne peuvent comprendre tous
les aspects de la maladie notamment les facteurs psycho-sociaux propres aux malades.
L'expérience des malades est donc une connaissance fondamentale pour les chercheurs
et médecins du programme PHPT/Oxfam qui peuvent ainsi adapter les traitements et les
Cependant on peut se demander si le savoir personnel du malade a réellement un
impact sur le savoir scientifique puisque le chercheur se situe en haut de l'échelle de
production de connaissances. En vulgarisant la médecine, c'est la scientificité des preuves
qui est mis à l'épreuve. Le chercheur de part sa formation universitaire et son expérience est
celui qui détient les compétences scientifiques maximales, c'est donc le seul à être capable
de juger de la scientificité d'une information et d'une donnée psycho-sociale. Toute donnée
provenant du patient doit être avalisée par le chercheur qui apparaît comme le seul garant
d'un savoir spécialisé, notamment en Thaïlande où il y a dix ans les médecins ne savaient
pas comment prendre en charge le VIH/Sida. Dans le cas du programme PHPT/Oxfam,
la participation égalitaire dans la production d'un savoir scientifique est donc difficilement
démontrable malgré l'interaction importante entre les chercheurs, le corps médical et les
patients. Comme nous avons pu le voir à travers le système de formation le savoir se
transmet d'une manière verticale. En haut les chercheurs, experts occidentaux, au milieu
les médecins et en bas les patients. Certes le malade a de plus en plus de pouvoir dans la
gestion de son traitement, mais celle-ci reste limité à des interventions basiques. Lorsque
54 BARBOT J,
op.cit., 2002, p.17-18
55 DODIER N,
op.cit., 2003, p.142
56 HERZLICH, PIERRET « le cas des maladies chroniques : l'auto-soignant, le savoir et les techniques médicales », Culture
technique, 15, 1985, p.139-14528
MURGUE Caroline_2007
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à Chiang
des effets complexes surviennent le patient n'a pas d'autre choix que de se référer à son
médecin qui en fera part au chercheur. Ces cas complexes sont discutés à travers un
dialogue régulier entre patients, médecins, infirmières et chercheurs qui se retrouvent tous
les mois pour faire le point sur le programme.
2.2.2 : Un dialogue régulier entre chercheurs, médecins, infirmières et
Les réunions mensuelles organisées par PHPT et Oxfam qui réunissent patients, médecins,
infirmières et chercheurs sont un lieu d'échange qui permet un dialogue régulier entre
ces acteurs. Elles peuvent être comparées aux réunions d'informations de l'ANRS qui
réunissaient dans les années 90 les associations de patients, alliées dans le réseau TRT-5
crée en 1992, et les chercheurs de l'agence. Le réseau de communautés de patients de
la région de Chiang Mai, peut être comparé au réseau inter-associatif français TRT-5 qui
regroupait les associations comme Aides, Arcat-sida, Act-Up et Actions Traitements. Ces
réunions étaient censées informer les patients sur les recherches thérapeutiques dans un
esprit éducatif. Peu à peu elles ont été le lieu de négociation des outils scientifiques et
ont permis de décloisonner la science. Les réunions de PHPT/Oxfam sont à la fois un lieu
central d'information où les traitements sont expliqués par les chercheurs et les médecins,
leurs effets rendus compte par les patients, les cas complexes discutés par tous pour
être compris, mais il s'agit également d'une arène où des aspects de la recherche sont
rediscutés et où des propositions et des suggestions sont faites par les patients. D'un
point de vue politique il s'agit d'une assemblée générale où chacun peut se faire entendre.
Elles respectent un protocole strict : elles ont lieu une fois par mois dans un des hôpitaux
participant, l'équipe hospitalière est en charge d'animer la réunion. Le déroulement est
le suivant : le médecin animateur fait un petit discours introductif, ensuite chacun doit se
présenter individuellement en se levant, en donnant son nom et sa fonction, puis le médecin
annonce l'ordre du jour et tout le monde se concerte pour savoir quel est le thème qui sera
abordé en premier : celui des médecins, celui des chercheurs ou celui des patients. Pendant
la réunion, il faut échanger des points de vue, émettre des avis sur ce qui vient de se dire.
A la fin de la réunion, on décide des thèmes qui devront être traités lors de la prochaine
réunion, de la date et du lieu de celle ci, et une fois par an on suggère des formations qui
seraient utiles pour développer les connaissances de chacun notamment des patients et
du corps médical.
Observations sur le terrain : 30 e réunion PHPT/Oxfam à l'hôpital de Mae On
le 2 février 2006
(Vers midi, dix personnes de PHPT partent en direction de l'hôpital de Mae On : deux
chercheurs – Sophie Le Cœur, Nicole Ngo, deux coordinateurs de projet – Intira Collins,
Jaroonroat Kraekesuk, 4 infirmières de recherche, deux stagiaires)
Lorsque nous arrivons vers 13h à l'hôpital de Mae On, un repas nous attend : riz,
poulet et bouillon. Sur la porte d'entrée de la salle de réunion une pancarte écrite en anglais
nous accueille : « Welcome to PHPT/Oxfam participants ». La salle contient des tables
disposées en U, des chaises un peu partout, un bureau central avec un micro où derrière
se dresse un écran et un vidéo projecteur. L'équipement est moderne. Dans le coin sur un
autel bouddhiste décoré de guirlandes de fleurs et de bougies se dresse un portrait du roi.
Vers 14h, la réunion commence, une cinquantaine de personnes sont installées dans
la salle de réunion. Les patients sont venus en grand nombre (35) et s'assoient au fond de
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
la salle. Seuls les représentants des communautés de patients sont assis autour de la table.
Il y aussi des infirmières de Mae On et d'autres hôpitaux, des médecins d'autres hôpitaux
et des représentants d'Oxfam. Je suis assise entre Jaroonroat qui me sert de traducteur, et
de Nicole, chercheur français en virologie responsable du laboratoire de PHPT, qui me sert
de traducteur technique, car cela fait seulement trois semaines que je suis arrivée à PHPT
et certains termes scientifiques me sont inconnus.
La réunion débute par un discours en thaïlandais du médecin pédiatre de Mae
On. Suwalai, une infirmière de recherche de PHPT fait la traduction
à posteriori. Nicole
m'explique que c'est le seul médecin de l'hôpital :
« Bonjour à tous. C'est la trentième réunion de PHPT/Oxfam et je constate que nous
avons de plus en plus de participants (…) Aujourd'hui le Docteur Sophie Le Cœur va nous
présenter le projet d'une future étude qui sera menée auprès des patients du programme
PHPT/Oxfam (…). Nous allons faire un bilan sur l'évolution du programme et aborder les
problèmes de traitements chez les enfants. Mais avant de commencer, présentons-nous. »
Un par un tout le monde se lève et se présente. Mon tour venu je me présente en
anglais : « I'm Caroline, intern in PHPT ».
Sophie commence la réunion par une présentation powerpoint de son nouveau projet
de recherche : LIWA (Living With Antiretrovirals in Northern Thailand). Sa présentation est
en anglais mais est traduite en thaïlandais par Suwalai :
« Cette étude socio-économique a pour objet d'étudier le coût-efficacité du programme
PHPT/Oxfam en cherchant à savoir l'impact des programmes d'accès aux antirétroviraux
sur la prévention, la stigmatisation et la discrimination, ainsi que sur les performances
médicales, le coût d'un traitement antirétroviral et le comparer à son efficacité, enfin les
façons d'améliorer les programmes et les outils pour augmenter leur efficacité c'est-à-dire
augmenter l'adhérence des patients aux traitements (…) 224 personnes (126 adultes et
98 enfants) bénéficient des traitements et des surveillances biologiques de PHPT. Ces
patients participent activement dans le management du programme PHPT/Oxfam (elle
s'adresse aux patients assis au fond de la salle). C'est donc un cadre idéal pour mener
une étude socio-économique sur l'impact des antirétroviraux sur la vie des participants et
leur communauté (…) Les méthodes suggérées sont tout d'abord de mener un sondage
auprès de deux groupes distincts : 300 personnes participant au programme PHPT/Oxfamet au programme NAPHA57 et 300 personnes issues de la population générale comme
les familles et les personnes venant à l'hôpital pour d'autres raisons que le VIH/Sida
(…). Ensuite des enquêtes approfondies pourraient être menées auprès des membres
familiaux des participants du programme PHPT/Oxfam et du Programme NAPHA, auprès
des médecins, infirmières et conseillers, auprès des représentants de communauté comme
ceux participant aux Comités éthiques, travaillant dans les ONG, religieux, etc. Ces
méthodes permettraient de comparer le coût-efficacité de deux stratégies de traitements
antirétroviraux : la stratégie standard utilisé dans le programme NAPHA (monitorageminimal et accès uniquement aux traitements de 1er ligne), la stratégie du programme
PHPT/Oxfam (participation des patients, monitorage approfondi et accès à toutes les lignes
de traitement) (…) Les résultats de cette étude auront donc pour but de promouvoir la
stratégie du programme PHPT/Oxfam à tous (…) (en s'adressant aux patients) Que pensez-
vous de cette étude ? »
57 NAPHA : Programme National d'Accès aux Antirétroviraux mis en place en Octobre 2005
MURGUE Caroline_2007
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à Chiang
Un premier patient intervient en thaïlandais, Jaroonroat nous traduit (à Nicole et moi)
simultanément ses propos :
« Je pense que c'est difficile de mesurer ces programmes car ils interviennent à deux
échelles différentes. PHPT/Oxfam intervient au niveau local, alors que NAPHA intervient à
l'échelle nationale. De plus l'origine de ces deux programmes est différente (…) Pour arriver
à les comparer, il faudrait trouver quelque chose qui convienne aux deux programmes. Par
exemple comparer les patients d'une même communauté mais qui ne suivent pas le même
programme, comparer la qualité de vie des patients, le taux de succès. Sinon il faudrait peut
être comparer des patients du même hôpital qui ne participent pas au même programme
et comparer les coûts (…) »
Un autre patient intervient :« Sans Oxfam il n'y aurait pas de réunions comme celle-ci pour discuter. Grâce à ce
programme ma qualité de vie s'est améliorée, je comprends mieux ma maladie (…) Je n'ai
pas envie que ce programme soit transféré dans le programme NAPHA, car je ne pourrais
pas acheter les médicaments (…) »
Vers 15h, les infirmières et patients de Mae On nous apportent à tous un plateau avec
un gâteau et un café. Pendant ce temps un autre sujet est abordé. Le docteur Supparat,
pédiatre à l'hôpital de Nakornping intervient, elle décrit les problèmes qu'elle a rencontrés
avec certains enfants atteints du VIH/Sida. Une patiente intervient en disant qu'il faudrait
vraiment réussir à trouver des médicaments adaptés aux enfants. Elle explique qu'elle est
allée visiter une famille avec un enfant qui ne voulait pas prendre ses médicaments. Un autre
patient explique qu'il connaît des personnes âgées vers chez lui, qui sont en charge d'un
enfant séropositif. Ils ont dû mal à gérer les traitements de leur petit fils. Tous les patients
sont d'accord pour qu'une formule pédiatrique soit mise sur le marché. Ils discutent de la
forme qu'elle pourrait prendre, une forme qui soit attrayante pour les enfants et facilement
ingérable. Nicole intervient en disant que le laboratoire de PHPT travaille actuellement en
collaboration avec GPO pour créer un médicament ayant la forme d'une gomme à mâcher
La fin de la réunion approche, le médecin de Mae On propose qu'on se concerte pour
trouver une date et un lieu pour la prochaine réunion. Tout le monde se met d'accord pour
le 27 avril à l'hôpital de Nakornping. Le médecin termine en disant que le 10 février une
visite du responsable régional Asie de Oxfam et d'un autre responsable de Oxfam Grande
Bretagne de Oxford aura lieu. L'hôpital de Sansai va accueillir la réunion à 14h entre les
dirigeants de PHPT et les dirigeants d'Oxfam, ainsi que les médecins. Les patients sont
invités à y participer.
Tout le monde quitte la salle, en se saluant les deux mains jointes au niveau du menton,
il s'agit du « wai », le signe de politesse thaïlandais.
A travers la description des réunions, on constate que les communautés de patients
ont un rôle important dans la conduite et l'évaluation du programme et dans la définition
des objectifs de la recherche biomédicale puisqu'elle s'adresse à eux. En France dès les
années 80-90, les associations de lutte contre le sida (Act up, Actions traitements, Aides,
Arcat-Sida et Positifs) s'introduisent dans le processus de production de connaissances
scientifiques. Elles deviennent dès lors les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics
et de entreprises pharmaceutiques. Mais l'origine de cette intervention dans le monde
scientifique doit être attribuée à l'Association Française contre les myopathies (AFM) qui
a déjà tissé de nouvelles formes de relations avec les experts. Ces associations malgré
leur différence ont toutes demander à ce que l'expertise soit partagée et ne soit seulement
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
plus détenue et légitimée par les scientifiques et les médecins. Toutes estiment qu'elles
ne doivent plus être considérées comme de simple médiateurs entre les patients et les
instances médicales mais qu'elles ont un rôle majeur à jouer dans la construction du savoirscientifique58. Cette revendication a été appliquée aux patients de Chiang Mai par PHPT
et Oxfam qui les ont depuis le début reconnus comme des partenaires de plus haute
importance tant dans l'évaluation que dans la conduite du programme.
2.2.3 : L'émergence d'un nouveau profil de patients
Grâce à leur implication dans la sphère biomédicale, les patients du programme PHPT/
Oxfam ont pu développer une nouvelle figure de malade. Ils peuvent désormais êtreconsidérés comme des patients « intégrés »59 mais aussi des acteurs du fait de leur
implication dans le savoir médical. Ils ont en effet la capacité de comprendre les données
d'un savoir particulier relatif au VIH/Sida. Ils vont par eux-mêmes chercher dans diverses
ressources de l'espace public des informations, qu'ils jugent comme hypothétiques, sur
l'actualité de la médecine et poser ensuite les questions à leur médecin et aux chercheurs.
Le médecin et le chercheur sont perçus comme les référents principaux par ces patients,
c'est eux qui doivent réunir les informations pertinentes émanant des diverses instances et
pouvoir leur donner une réponse appropriée. Dans cette optique, on voit qu'ils sont intégrés
dans le monde de la recherche biomédicale car cherchant à assimiler des connaissances
spécialisées auprès des instances attitrées. PHPT et Oxfam détiennent donc la seule vraie
information. Cette relation de confiance suppose que le médecin sache trier les informations
au cas par cas, relatives à chaque type de patient. Contrairement aux caractéristiques
socioprofessionnelles correspondant au modèle de patient « intégré » français décrit par
Janine Barbot et Nicolas Dodier qui a un niveau d'étude supérieur au baccalauréat et qui
avant sa contamination était réceptif au discours savant en général, les patients thaïlandais
du programme PHPT/Oxfam, ont généralement un niveau scolaire bas et sont pour la
majorité des artisans, ouvriers ou employés. Les patients ayant fait des études supérieurs
et ayant eu un bon emploi sont souvent moins aptes à devenir des patients actifs car ils
n'ont pas envie que leur statut soit révélé à leurs familles et à leur entourage : «
(Peut-on
vous filmer ? et vous prendre en photo ?) Non, je ne souhaite pas que l'on sache que j'ai
le sida. Je viens me faire soigner ici car personne ne me connaît dans ce district. Personne
dans mon entourage ne sait que je suis malade. Je ne veux pas leur dire. J'ai été contaminé
il y a 10 ans et je n'ai jamais trompé ma femme, je ne sais pas comment cela s'est passé.
Avant d'être malade, j'étais riche, j'avais des voitures de courses et une grande maison.
Je suis issu d'une très bonne famille de Chiang Mai, j'ai fait des études en Business et je
travaillais dans une grande firme à Bangkok. Lorsque j'ai appris que j'étais séropositif, j'ai
tout plaqué : ma femme, mon boulot et je me suis retrouvé sans rien. J'ai même pensé à
me suicider. » (Extrait d'un entretien sur le terrain. Patient de l'hôpital Mae On. 4 août 2006)
L'acquisition de ce nouveau profil permet aux patients de rendre compte des effets
du programme sur leur existence, de l'évaluer et de servir de médiateurs entre le monde
médical et scientifique et le monde des malades. Investis d'une double représentation,
ils sont garants des connaissances scientifiques qu'ils doivent diffuser auprès des autres
malades et ils sont également garants des données psycho-sociales qu'ils doivent
transmettre aux chercheurs et médecins.
58 BARBOT J,
op.cit., 2002, p.19
59 BARBOT J, DODIER N, « L'émergence d'un tiers public dans le rapport malade-médecin. L'exemple de l'épidémie à VIH »,Sciences Sociales et Santé, vol. 18, n°1, mars 2000, pp.75-11732
MURGUE Caroline_2007
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à Chiang
2.3 : Les communautés de patients des acteurs
primordiaux dans la diffusion des informations liées
aux VIH/Sida
2.3.1 : L'acceptabilité du programme par les patients
La stratégie d'accès aux traitements proposée par PHPT et Oxfam est très bien acceptée
par les patients et leur permet d'exister et d'assumer aux mieux leur maladie. Non seulement
elle leur offre des traitements gratuitement qui concourent à améliorer leur santé, mais ils
ont également le sentiment d'être entendu et d'être de ce fait plus accepté par la société.
Leur vie devient plus facile, ils peuvent désormais vivre une vie normale sans se sentir
exclu. Avant de participer au programme, beaucoup d'entre eux ont dû quitter leur travail
soit parce que leur employeur ne voulait plus d'eux soit parce qu'ils étaient trop faibles.
Tous ont ressenti de la stigmatisation et de la discrimination de la part de gens qu'ils ne
connaissaient pas, cependant, il est important de noter que la majorité a reçu un support de
leur entourage affectif. Une patiente explique : «
Quand je suis tombée malade, ma famille
et mes amis étaient tous là pour me soutenir. A aucun moment je me suis sentie rejetée par
eux. Chacun tentait de me trouver des médicaments pour me soigner (…) J'avais peur que
mes collègues me rejettent, mais dans le dispensaire où je travaille quand mes collègues
ont appris ce que j'avais, ils ont voulu que je leur explique cette maladie et ils m'ont accepté
(…) J'ai ressenti de la discrimination de la part de certaines personnes du village où je vis
c'est pour ça que j'ai crée une association d'entraide pour les personnes ayant le VIH/Sida. »
(Extrait d'un entretien sur le terrain, patiente de l'hôpital de Sansai, 27 juillet 2006)
Ainsi, l'engagement et l'implication des malades dans l'acquisition d'un savoir spécialisé
constituent un moyen efficace de lutter contre le VIH/Sida, car ils ont désormais des
compétences qui leur permettent de se soigner correctement. En partageant leurs
connaissances avec des autres patients, ils ont la possibilité de s'entraider notamment par
un engagement dans une communauté de patients qui leur permet d'assumer au mieux leur
maladie et d'exister socialement.
2.3.2 : Un réseau intercommunautaire de patients solidaires
Les communautés de patients sont des organisations qui permettent la socialisation des
malades car elles leur donnent les capacités d'être de plus en plus autonomes dans la
gestion de leur traitement. Véritable réseaux d'entraide, ces regroupements de patients
donne lieu à une gestion collective de la maladie en mobilisant les ressources de chacun
pour lutter contre une vision fataliste du VIH/Sida. Cette solidarité est également un moyen
d'échanger des expériences, des connaissances et un moyen de diffuser les informations
acquises auprès des médecins et chercheurs. Typologiquement, elles fonctionnent comme
des associations. On y trouve des responsables pleinement investis dans la cause qui
sont désignés par les participants et qui ont un rôle de conseiller et d'éducateur envers
d'autres patients. Les visites à domicile qu'ils effectuent leur permettent de se rendre compte
des problèmes particuliers qui surviennent dans une communauté et sont une manière
appropriée de traiter les inquiétudes de chacun. C'est un moyen de collecte et de diffusion de
l'information mais aussi d'évaluation du programme. Par ce biais, les responsables peuvent
recenser des données spécifiques à chaque patient et les transmettre aux médecins et
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
chercheurs, inversement, les connaissances acquises auprès de ces derniers peuvent être
transmis à toute la communauté et adaptées selon les cas.
Grâce à ces associations les malades gagnent également en visibilité. Détenteurs d'un
savoir spécialisé, certains patients mènent des actions de prévention auprès des écoles.
En s'affichant publiquement, les malades assument pleinement leur état ce qui est un bon
procédé pour alerter la jeunesse sur les dangers d'une conduite à risque. Etant malade
ils sont en effet les plus à même de parler de leur maladie et sont donc pris au sérieux
et sans doute plus écoutés que des spécialistes non malades. Certains patients animent
des émissions sur les radios locales et font souvent passer des messages de prévention
ou de mobilisation publique à un public qui ne connaît rien au VIH/Sida. Ils sont légitimités
car ils possèdent des connaissances que la majorité de la population n'a pas et renforcent
ainsi leur pouvoir politique. Par la diffusion d'informations au reste de la population et
leur implication grandissante dans la sphère publique, les personnes vivant avec le VIH/
Sida du programme PHPT/Oxfam orientent leur lutte non plus contre leur maladie, qu'ils
maîtrisent désormais, mais contre la stigmatisation et la discrimination émanant de la
société. Grâce aux traitements antirétroviraux, ils ont donc la possibilité de véhiculer une
image de personnes normales vivant normalement.
Entretien sur le terrain d'une patiente thaïlandaise participant au programme
PHPT/Oxfam et responsable d'une communauté de patiente du district de Sansai, 7
Dans quel communauté de patients êtes-vous ?La communauté de patientes de Sankampeng (il s'agit d'un district de la région de
Chiang Mai). L'hôpital du district nous a mis à disposition un local pour nous réunir et
travailler. Certaines d'entre nous, ayant perdu leur emploi, peuvent maintenant exercer une
activité, comme la fabrication de sac pour une entreprise locale. (Elle me montre la machine
Quand avez-vous rejoins la communauté ?En 1993Pouvez-vous m'expliquer le rôle d'une communauté de patients ?Il s'agit d'un groupe de personnes vivant avec le VIH/Sida, sans budget, qui permet de
s'entraider et de partager des informations et des connaissances liées au VIH/sida. C'est
aussi une façon de lier des amitiés. Avec les autres communautés du district nous formons
un vrai réseau d'entraide et de support social. Il y a 3 ans nous faisions de la prévention
auprès d'autres personnes, mais depuis nous avons changé notre activité pour promouvoir
les traitements antirétroviraux qui nous permettent d'avoir une vie normale. Six personnes
travaillent à plein temps, chaque jour elles vont voir des patients à domicile pour les aider
à gérer leurs médicaments.
Combien de fois vous réunissez-vous avec les autres communautés ?Une fois par mois au niveau du districtOù-vous réunissez vous ?Dans une salle de réunion mise à disposition par l'unité des soins primaires de l'hôpitalRessentez-vous de la discrimination de la part des gens en bonne santé ?Les gens nous regardent à cause de notre aspect physique général comme des
rougeurs à certains endroits (elle me montre ses bras). Certaines personnes, si elles sont
MURGUE Caroline_2007
2. L'accès aux soins et aux thérapies VIH/Sida modernes par la santé communautaire à Chiang
proches de nous, nous demandent ce que c'est. Mais aujourd'hui la mentalité des gens
change par rapport aux malades du VIH/sida. Tout d'abord parce que les communautés
permettent d'accroître les connaissances liées au VIH/Sida. Ensuite, parce que notre
apparence physique paraît normale. Enfin parce que les médicaments antirétroviraux sont
Quel type de traitement utilisiez vous avant de participer au programme PHPT/Oxfam ?Des médicaments pas chers que j'achetais dans une épicerie. Ce n'était pas vraiment
un traitement. C'était cher, et je ne guérissais pas.
Connaissiez-vous PHPT et Oxfam avant ?NonComment les avez-vous connu ?A l'hôpital, ce sont les infirmières et médecins qui m'ont parlé de ce programmeDepuis combien de temps participez vous au programme ?Depuis le début, c'est-à-dire 2002Pourquoi avez-vous décidé d'y participer ?Parce que je pouvais avoir des médicaments et des soins gratuits qui permettaient
d'améliorer ma santé
Ressentez-vous vraiment des améliorations grâce aux traitements ?Oui vraiment. Avant j'étais très fatiguée et j'ai perdu 15 kilos, j'ai dû arrêter de travailler.
Aujourd'hui je peux mener une vie normale
Que pensez vous du programme PHPT/ Oxfam ?C'est très bien car la santé de tous s'est amélioréeQu'est ce qui devrait être améliorer dans le programme ?On a besoin de plus de formations sur les méthodes de plaidoyer, les enjeux des
antirétroviraux, les nouvelles informations liées au VIH/sida, les effets secondaires des
antirétroviraux dans le long terme.
Je dois préparer un film documentaire sur le sida en Thaïlande, produit par l'IRD, un
institut de recherche français auquel est rattaché PHPT, qu'aimeriez vous voir dedans ?
Il serait intéressant de se concentrer sur la façon dont les patients s'aident entre eux,
même s'ils ont un grand support de PHPT et Oxfam. Il faut montrer que les patients sont des
gens normaux. Cependant nous aimerions vérifier le contenu avant que le film soit diffusé.
Si vous voulez vous pouvez suivre un ou deux patients du réseau dans sa vie quotidienne,
pour montrer que sa vie est normale.
2.3.3 : Les patients conscients de leurs nouveaux pouvoirs sociaux
Le programme PHPT/Oxfam a donc permis de diffuser des connaissances spécialisées
dans la VIH/Sida auprès d'une population démunie face à cette maladie. En formant des
médecins et infirmières thaïlandais à de nouvelles pratiques, le programme œuvre pour
que le VIH/Sida soit pris en charge par la population locale qui doit en comprendre tous les
enjeux. La santé communautaire en impliquant les patients dans le processus de recherche
a également favorisé la conscientisation du pouvoir des malades face au VIH/Sida. Ceux-ci
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
ont donc compris qu'ils avaient un rôle important à jouer dans cette lutte. Outre le support
social qu'ils peuvent apporter aux autres malades ils ont le pouvoir de faire évoluer les
pratiques médicales mais également les mentalités et les lois. Autrefois considérés comme
un groupe social vulnérable, c'est-à-dire sans pouvoir économique ni politique, les patients
du programme, grâce aux traitements fournis par PHPT qui ont pu améliorer leur existence,
et grâce à Oxfam qui leur a permis de développer un sens de la responsabilité et du devoir
civique, ont aujourd'hui la capacité d'influencer les politiques publiques. Pour être efficace
les politiques de développement doivent désormais prendre en compte ces nouveaux
acteurs que sont les associations communautaires de patients qui par leur expérience de
malades sont les plus aptes à définir leur contenu.
De plus par sa nature, qui est d'être un programme pilote on voit que le projet PHPT/
Oxfam est une expérimentation limitée dans le temps et que ses objectifs sont inscrits
dans un système de phases. La durée n'est donc pas indéfinie et les participants devront
à un moment donné quitter ce programme. Depuis 2005, la dernière phase du projet
est de transférer les patients du programme dans le programme national d'accès aux
antirétroviraux NAPHA qui leur permet d'intégrer le système de sécurité sociale universelle
initié en 2001 et qui exige une participation de 30 Bahts (environ 0.60 euro) pour chaque
visite à l'hôpital. Or le programme NAPHA offre une prestation de soins très inférieure à
celle du programme PHPT/Oxfam et un choix de traitements très limité qui n'incluent pasles médicaments de 2nde ligne, nécessaires en cas de résistance immunitaire aux premiers
traitements administrés. On voit donc que les avantages dont bénéficient les patients
du programme PHPT/Oxfam vont très vite disparaître. La politique de développement
instaurée par PHPT et Oxfam n'est donc pas complètement adoptée par les autorités
thaïlandaises qui ne prennent pas en compte dans leurs politiques publiques les dimensions
qualitatives qui ont permis le succès de cette initiative. Ces spécificités étant un monitorage
approfondi, l'accès à toutes les lignes de traitement et l'implication active des patients dans
le management du programme. Le mode d'organisation du programme PHT/Oxfam qui
présente un consensualisme démocratique ne permet donc pas de remettre en cause les
actions du gouvernement thaïlandais qui est le seul à décider des orientations de santé
publique du pays. Par conséquent les communautés de patients et le corps médical de
Chiang Mai doivent continuer à mener un plaidoyer pour étendre l'accès aux antirétroviraux
à l'ensemble de la Thaïlande grâce à la stratégie de santé communautaire initiée par le
programme PHPT/Oxfam. Face aux contre-pouvoirs que sont la société thaïlandaise, les
autorités publiques et les firmes pharmaceutiques, les patients du programme PHPT/Oxfam
doivent donc s'engager dans l'activisme thérapeutique afin de se faire entendre en tant que
personnes normales, en tant que citoyen ayant des droits mais aussi en tant que personnes
sans ressources économiques qui pour vivre ont besoin d'avoir accès à des médicaments
génériques moins chers. En militant pour une reconnaissance sociale de leur maladie et
pour que soient appliqués les droits humains fondamentaux dans les politiques de santé
publique thaïlandaises, les patients ont donc pour mission de faire de la Thaïlande, un
pays réellement démocratique mais également un Etat leader dans la coopération de lutte
contre le sida en Asie du Sud-Est. Forte des ses expérience la Thaïlande, peut en effet
désormais jouer un rôle central dans la coopération internationale et dans les politiques de
développement de ses pays voisins.
MURGUE Caroline_2007
3. La reformulation des politiques de santé publique nationales et internationales par les acteurs
impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande
3. La reformulation des politiques
de santé publique nationales et
internationales par les acteurs impliqués
dans la lutte contre le VIH/Sida en
3.1 : L'activisme thérapeutique des personnes vivant
avec le VIH/Sida
3.1.1 : Se faire entendre dans la société comme des personnes
Le programme PHPT/Oxfam a donc pour objectif de faire prendre conscience aux patients
et médecins thaïlandais de leur pouvoir politique. Ce but n'est pas forcément critiquable
puisque la Thaïlande est un pays censé être démocratique. En effet depuis quelques
années, les jeunes Thaïlandais sont en demande d'une réelle démocratie face à un
gouvernement corrompu. L'exemple des manifestations régulières contre le gouvernement
dirigé par Thaksin en 2005-2006 et le coup d'état qui a eu lieu en septembre 2006, prouve
que la population thaïlandaise cherche à se faire entendre. Ces changements sociaux
peuvent être perçus comme des signes de progrès politique.
En donnant la voix à des groupes sociaux qui étaient jusque là laissés de côté,
Oxfam entend bien développer l'activisme thérapeutique au sein du programme mené
conjointement par PHPT. L'activisme thérapeutique est l'action des personnes vivant
avec le VIH/Sida sur les dispositifs institutionnels de santé publique (Etat, Organisations
Internationales, firmes pharmaceutiques) mais aussi sur les mentalités sociales afin
d'améliorer leur vécu social. Il s'agit pour eux de donner des réponses concrètes en situation
de crise, comme la formulation de nouvelles mesures gouvernementales pour prendre en
charge les patients. Du point de vue de la société, les patients doivent donc investir l'espace
public pour se faire entendre comme des personnes normales. Apparu dans des groupes
sociaux à risque, le VIH/Sida est en effet un sujet sensible souvent pointé du doigt par la
population non malade. Les personnes vivant avec le VIH/Sida sont souvent victimes de
discrimination et de stigmatisation. Les gens considèrent que le VIH/Sida est une maladie
qui se transmet à cause de pratiques « sales » comme l'homosexualité, la prostitution et
la drogue. De plus la Thaïlande est un pays bouddhiste, religion qui intègre la notion de
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
réincarnation. L'homme à sa mort renaît sous une autre personne et sa nouvelle vie est
liée aux actions de sa vie précédente. C'est la notion du
Karma, qui conditionne l'existence
actuelle d'une personne selon la nature des actes antérieurs qu'elle a commis durant sa vieprécédente60. Concernant les personnes atteintes par le VIH/Sida, la croyance qui subsiste
parmi les Thaïlandais est que cette maladie est la conséquence d'une vie précédente faite
d'actes immoraux. Il s'agit donc d'une fatalité qui ne peut pas être discutée. Si cette maladie
entraîne inévitablement la mort, c'est qu'il en est ainsi ; le malade doit agir de son mieux
afin de gagner la rédemption qui aura lieu dans sa prochaine vie. Les moines peuvent
l'aider à finir son existence de la meilleure façon qu'il soit, en l'hébergeant s'il est sans logis
ou en lui en offrant de la nourriture s'il est affamé, car le bouddhisme prône avant tout la
compassion, c'est-à-dire la volonté de prendre en charge les souffrances de tous les êtres
pour les libérer des causes de cette souffrance. Il arrive très souvent que des médecins
et infirmières croient en la doctrine du
Karma et refusent de soigner les patients atteints
du VIH/Sida. De telles convictions sont inacceptables pour les scientifiques occidentaux.
Aujourd'hui grâce à l'accès aux médicaments antirétroviraux, les mentalités dans le corps
médical thaïlandais ont évolué, les gens ont moins peur de cette maladie mais une grande
partie de la population thaïlandaise, y compris les malades, reste attachée à leurs croyances
bouddhiste. Enfin comme en Occident, il semble que la cause du VIH/Sida s'essouffle.
De plus on constate une recrudescence de contaminations dans tous les pays61. Il y a un
désintérêt pour cette maladie dont on a trop parlé. La majorité des gens ne savent pas
expliquer les symptômes du VIH/Sida, tous citent l'usage du préservatif comme moyen
de prévention. Les personnes thaïlandaises entre 20 et 30 ans ont toutes eu un cours
de prévention durant leur scolarité, et se souviennent des campagnes de prévention du
gouvernement thaïlandais comme « 100% Condoms ». Concernant les traitements, toutes
les personnes thaïlandaises non malades interrogées sur les façons de traiter le VIH/Sida
mentionnent les « herbes thaïlandaises » utilisés par beaucoup de malades. Certainesévoquent des médicaments qui proviennent d'Occident et qui coûtent très chers62 .Les
personnes vivant avec le VIH/Sida sont donc confrontées au regard d'une société qui ne
dispose pas de beaucoup d'informations sur cette maladie. Il existe donc des barrières de
taille entre ces deux groupes sociaux : les malades et les personnes en bonne santé. La
Thaïlande étant un pays de démocratie représentative, il est donc important que la société
soit la première convaincue de l'efficacité des traitements antirétroviraux sur la santé pour
que de nouvelles lois en faveur des malades puissent être votées. Les patients doivent donc
avant tout se faire valoir sur la scène publique comme un groupe d'influence à même de
développer la santé publique du pays.
3.1.2 : Etre considérés comme citoyens à part entière par le
En France, cet activisme mené par les associations de lutte contre le sida a eu pour
conséquence de redéfinir les frontières entre la science et l'espace public. Menant leur
combat sur deux fronts : celui de l'expérimentation de nouvelles molécules et celui de la mise
à disposition des médicaments, elles se sont immiscées dans des débats qui alimentaient
les acteurs spécialisés du monde biomédical (chercheurs, médecins, industriels, autorités
60 MIZUNO K,
Les principes fondamentaux du bouddhisme, Sully, 2000
61 ONUSIDA/OMS, op.cit, 2006
62 Cf. Annexe 2 : entretiens sur le terrain avec 2 personnes thaïlandaises non malades
MURGUE Caroline_2007
3. La reformulation des politiques de santé publique nationales et internationales par les acteurs
impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande
sanitaires)63. L'association Act Up-Paris se fonde sur la théorie des rapports de pouvoir
et de domination qui traversent la société et qui viennent s'inscrire également dans la
relation médecin/patient, elle milite pour un malade affranchi par la communauté qui s'inspire
de l'
empowerment des mouvements activistes américains. Actions Traitements lutte pourun « malade consommateur de pointe »64, qui pour sa survie cherche à avoir accès aux
meilleures offres de soins. Positifs, milite pour un patient qui s'immisce dans la production de
savoirs scientifique. Aides, à l'origine association d'homosexuels séropositifs, se veut une
association de soutien, d'information, d'alerte et de mobilisation. Ces associations et leurs
homologues américaines ont donc permis à ce que des non spécialistes interviennent sur
les différentes étapes de développement des médicaments qui leur sont destinés, mais elles
ont surtout œuvrer à faire émerger sur la scène publique des questions jusque là réservées
aux experts. La pluralité des formes d'engagement en France comme aux Etats-Unis a ainsi
ouvert la voie à un véritable espace de mobilisation associatif.
En Thaïlande, ce travail d'activisme fut donc au départ réservé aux experts du monde
scientifique et médical. Les chercheurs de PHPT ont amené la preuve que des traitements
simplifiés pouvaient réduire la transmission materno-fœtale du VIH, les études PHPT-1
et PHPT-2 ont pu servir de référence aux médecins thaïlandais qui ont plaidé auprès du
Ministère de la Santé Publique pour introduire ces traitements dans tous les hôpitaux. Par
la suite cet activisme s'est ouvert aux communautés de patients qui ont milité au côté
des médecins pour que leur statut séropositif soit pris en charge par la sécurité socialethaïlandaise. Il existe 4 types de sécurité sociale en Thaïlande65 : le Système de Sécurité
Sociale, le Fonds de Compensation des Travailleurs qui s'applique aux employés de
l'industrie privée, le Système de Bénéfice Médical pour les Employés Civils, qui s'applique
aux fonctionnaires et la Couverture de Santé Universelle qui s'applique aux personnes
les plus pauvres et qui doivent payer 30 Baht (0.60 euro) pour chaque visite à l'hôpital.
Jusqu'en 2005, les personnes vivant avec le VIH/Sida n'étaient pas protégées par l'Etat.
Aujourd'hui grâce au programme d'accès national aux antirétroviraux NAPHA qui s'inscrit
dans la Couverture de Santé Universelle, un grand nombre de patients peuvent bénéficier
de soins et de traitements de base. Il aura fallu 20 ans pour que les malades soient
reconnus comme de citoyens nécessitant des droits. En démontrant, que les traitements
antirétroviraux étaient bénéfiques à leur santé, donc à leur insertion dans la société les
patients ont su prouver aux autorités que le VIH/Sida était une maladie désormais chronique.
Cependant malgré les efforts du gouvernement de nombreux Thaïlandais sont exclus
de ces systèmes de sécurité sociale. Il s'agit notamment des minorités ethniques commeles
Karens, les
Hmongs ou les
Akhas au sein desquelles le VIH/Sida sévit66. N'ayant aucun
droit, ces personnes ne peuvent bénéficier ni de prévention ni de soins et de traitements,
entraînant ainsi une rapide diffusion du virus dans leurs communautés. Le VIH/sida est
donc un problème majeur pour ces populations et risque de s'étendre gravement aux pays
limitrophes à la Thaïlande. En effet, vivant aux frontières des pays comme la Birmanie, le
Laos et la Chine, ces ethnies sont disséminées en plusieurs communautés à travers ces
pays et beaucoup de mariages ont lieu entre les communautés vivant dans un Etat différent.
La Thaïlande du fait de ses capacités scientifiques avancées par rapport à ses voisins,
est l'Etat le plus à même de les prendre en charge. De plus, les réfugiés vivant avec le
63 BARBOT J,
op.cit, 2002, p.28
64 BARBOT J,
idem, 2002 p.84
65 http://www.sso.go.th
66 MACAN-MARKAR M,
"Thailand : fear of expulsion haunts hill tribes", Asia Times, July 30 2003
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
VIH/Sida provenant des pays comme la Birmanie et le Cambodge, installés en Thaïlande
n'ont également aucun droit et ne bénéficient d'aucun soins et traitements. Ces dimensions
migratoires impliquent que la lutte contre le VIH/sida n'est pas l'affaire d'un seul pays, mais
un travail de coopération entre plusieurs Etats de la même région. La lutte contre le VIH/
Sida reste donc un enjeu de taille en Asie du Sud-est.
3.1.3 : Avoir accès aux médicaments génériques
Les grandes firmes pharmaceutiques sont des acteurs qui ne facilitent pas l'accès aux
traitements dans les pays en développement. La production des médicaments génériques
pour des maladies comme le VIH/Sida avait été autorisée lors des négociations de l'Uruguay
Round en 1986, du fait du caractère d'urgence sanitaire de la maladie. Il est convenu
qu'un Etat confronté à la pandémie VIH/Sida peut fabriquer sur son territoire des formes
génériques moins chères de médicaments (article 31 des accords de l'OMC). Cependant,
les lobbys pharmaceutiques sont de plus en plus puissants pour limiter les copies de
leurs molécules. Invoquant le droit de la propriété intellectuelle sur les brevets, à travers
les ADPIC, les firmes occidentales sont un frein à la lutte contre le VIH/Sida. Or quand
il apparaît évident que les médicaments antirétroviraux sont un des seuls moyens pour
limiter la mortalité et ainsi l'effondrement de l'économie dans les pays à faible revenu,
l'enjeu pour la société transnationale de lutte contre le sida est de faire valoir la notion
d'exception qui revendique que la santé doit avoir un statut à part dans les accords de
l'OMC. Le projet d'accords de libre-échange entre la Thaïlande et les Etats-Unis ont été
également dénoncés par Oxfam. Ceux-ci risquent d'entraîner une hausse des prix des
médicaments antirétroviraux. Les patients du programme PHPT/Oxfam ont directement été
ralliés à la cause. Oxfam a mené plusieurs séries d'entretiens, pour recueillir des récits de
patients et prouver dans leur rapport la qualité des médicaments antirétroviraux fabriquésen Thaïlande.67
Hormis l'OMC et les firmes pharmaceutiques, l'OMS constitue également un contre-
pouvoir dans l'accès aux antirétroviraux en Thaïlande. Si de rares entreprises des pays
émergents comme l'Inde ou l'Afrique du Sud ont la possibilité de produire des molécules
génériques, l'entreprise nationale GPO n'est quant à elle pas accréditée par l'OMS. L'usine
de fabrication se trouve en effet à côté d'une usine de pénicilline et ne présente pas les
normes de sécurité internationale. Cette non accréditation, pose donc un problème majeur
pour les chercheurs de PHPT. Les patients de la cohorte financée par le GFATM n'ont
donc plus accès aux antirétroviraux produits par GPO. L'argent de ce fonds international
ne peut plus être utilisé dans leur achat. Les médicaments antirétroviraux sont achetés
désormais auprès des entreprises indiennes. Si cette solution semble adéquate, il n'en reste
pas moins que des problèmes liés au commerce international surviennent, comme le coût
des importations et les tarifs douaniers.
3.2 : La lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande
encourage de nouvelles stratégies de développement
67 Oxfam
, " Free Trade Agreement Between the USA and Thailand Threatens Access to HIV/AIDS Treatment", Oxfam Briefing
Note. July 2004.
40
MURGUE Caroline_2007
3. La reformulation des politiques de santé publique nationales et internationales par les acteurs
impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande
3.2.1 : Une coopération internationale entre communautés de patients
Les associations communautaires de patients soutenues par les ONG internationales sont
de plus en plus présente sur la scène publique internationale. Les réussites des programmes
de participation communautaire leur ont permis de se faire valoir auprès des autorités
publiques et des organisations internationales. Partie intégrante de la société civile de lutte
contre le VIH/Sida, elles ont dorénavant un poids considérable dans la prévention, la prise
en charge des malades et dans la gestion de la crise. Elles sont considérées comme des
alliers de premier plan par les ONG et les chercheurs parce que détentrice d'un savoir propre
au malade, et parce que relais des informations spécialisées auprès des autres patients ne
participant pas à des programmes de développement. Elles sont aujourd'hui des acteurs
affirmés qui osent intervenir dans des débats publics et n'hésitent pas à tisser des liens
stratégiques qui leur permettent de gagner en visibilité et en influence.
Lors de la Conférence Internationale VIH/Sida de Bangkok en 2004, les communautés
de patients du programme PHPT/Oxfam ont animé des ateliers destinés à promouvoir le
modèle de santé communautaire à travers le monde. Des groupes d'Afrique et d'Amérique
du Sud, désireux d'accroître l'accès aux antirétroviraux dans leur pays se sont intéressés à
cette méthode de soins. Les communautés de patients de la région de Chiang Mai ont donc
pu nouer des liens avec des autres associations de patients de pays en développement pour
exporter cette stratégie. Cet exemple montre à quel point la lutte contre le VIH/Sida permet
de nouer des alliances originales parmi des acteurs qui étaient jusqu'à présent invisibles
dans la sphère publique, du fait de la discrimination et de la stigmatisation du reste de la
population. Cela nous montre que les politiques de développement liées à la cause VIH/Sida
et menées par les ONG commencent désormais à placer le malade au premier plan de leur
stratégie. Par sa double expérience dans la maladie puis dans les programmes de santé,
celui-ci a le pouvoir d'évaluer les effets de ces derniers sur sa condition physique et sociale.
Cet avis empirique est donc le gage d'une réussite ou non d'une action de développement.
Aucun patient participant au programme PHPT/Oxfam n'a quitté ce projet, ce qui constitue
une preuve suffisante pour juger de son efficacité. En se faisant promoteurs d'une stratégie
d'accès aux soins et de développement, les patients de Chiang Mai, volontaires, sont les
porte paroles idéals de la lutte contre le VIH/sida dans les pays à ressources limitées. De
plus en nouant des liens avec la population de ces pays, ils ont la possibilité de se rendre
compte de l'universalité du problème et de ses enjeux. Par ce biais ils peuvent développer
une citoyenneté internationale et former des réseaux internationaux de patients échangeant
expériences et informations et militant pour l'application de règles internationales. On
voit donc que l'internationalisation des communautés de patients répond également aux
concepts transnationalistes. Dans ce cas, les flux qui transitent sont immatériels car issus
d'une idéologie de vie partagée par tous les malades où le bien-être et la normalité en
sont les fondements. Par l'implication croissante des personnes vivant avec le VIH/Sida
dans la cause internationale que crée cette maladie, on constate une réorientation de la
coopération internationale qui ne se limite plus à une polarisation mais évolue vers une
triangulation. Les communautés de patients thaïlandaises soutenues par des ONG issues
des pays industrialisés axent leur support vers des malades issus de pays à ressources
encore plus limitées. Le transfert de connaissances devient ainsi triangulaire ce qui permet
aux politiques de développement de s'ouvrir à d'autres pays. Ces politiques ont de plus
nécessairement subi des transformations, via le premier pays bénéficiaire, et correspondent
mieux aux spécificités et aux besoins des nouveaux pays destinataires.
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
3.2.2 : La Thaïlande point central de la coopération triangulaire en
Asie du Sud-Est
Considérée comme une antenne par l'OMS du fait de sa relative stabilité politique et
économique la Thaïlande a pu ouvrir ses frontières à l'expertise internationale, et développer
ainsi ses connaissances liées au VIH/Sida. Forte de son expérience et ses succès en
matière de prévention, gestion du risque et accès aux traitements, elle doit désormais jouer
un rôle de leader dans région du sud-est asiatique et coordonner ses efforts avec les autres
pays moins développés. Ceux-ci étant les pays de la région du Grand Mékong comme le
Cambodge, le Laos, le Vietnam, la Birmanie et la Chine (province du Yunnan). Beaucoup
de médecins et infirmières de ces pays viennent se former en Thaïlande pour se spécialiser
dans le VIH/Sida.
L'enjeu de la recherche internationale actuelle est d'élargir l'accès aux antirétroviraux
dans cette région en se basant sur l'expérience de la Thaïlande. Ce fut le thème du colloque
international 2006 de PHPT qui a permis de réunir des experts internationaux (chercheurs,
ONG, personnalités politiques, firmes pharmaceutiques, représentants d'organisations
internationales, médecins, patients) travaillant aux Etats-Unis, en France, au Cambodge,
au Vietnam, en Chine et en Thaïlande afin de partager des expériences et faire une
comparaison des études et des politiques mises en place dans ces différents pays. Ce fut
également un lieu de rencontre pour permettre de tisser de nouveaux liens et d'accroître
les efforts d'éducation, de recherche et de prise en charge des personnes vivant avec le
VIH/Sida de la région du Grand Mékong où la prévalence de cette maladie est encore
élevée. On remarque donc que les politiques de développement s'étendent à des pays
où la coopération internationale scientifique est encore limitée souvent à cause de leur
régime politique qui ne permet pas l'intervention d'acteurs étrangers. On constate également
le rôle croissant de la Thaïlande dans ces politiques. Sa position géographique est en
effet un avantage de taille. Situé au cœur de l'Asie du Sud-Est, ce pays doit désormais
servir de plaque tournante pour la diffusion du savoir scientifique et de pratiques médicales
éprouvées. La culture similaire aux pays voisins doit permettre d'adapter aux mieux les
connaissances qui ont aider à responsabiliser et autodéterminer certains chercheurs,
médecins, infirmières, patients et autres personnes thaïlandaises impliquées dans la lutte
contre le VIH/Sida. La Thaïlande est perçue comme un Etat tampon qui peut lier les pays
occidentaux à des pays où l'aide internationale occidentale est encore insuffisante. Cette
attribution de fonction diplomatique à un pays émergent est un moyen pour les Etats du
Nord de mettre en place une coopération triangulaire Nord-Sud-Sud. Cette configuration
présente l'atout d'adapter les politiques de développement aux cultures et aux ressources
des nouveaux pays dans le besoin, par l'intervention d'un pays tiers qui peut d'une part
arbitrer les transferts effectués, car ayant déjà expérimenté ces aides, et d'autre part injecter
ses propres ressources comme une aide supplémentaire. Comme pour la Thaïlande, ces
politiques peuvent être d'ordre scientifiques, comme l'introduction d'études biomédicales et
des partenariats entre institutions ou médicales comme l'accès aux antirétroviraux par la
santé communautaire. Les politiques de développement en matière de VIH/Sida ne sont
donc plus l'unique affaire des pays du Nord. La dimension globale de la maladie et l'insertion
des réseaux d'expertise dans les pays du Sud, ont fait de ceux-ci des nouveaux experts
dans la lutte contre le VIH/Sida. Par conséquent il paraît logique que les politiques de
développement s'ouvrent à ces pays émergents ‘modèles', comme la Thaïlande, l'Ouganda
et le Brésil, qui ont un rôle à jouer dans l'orientation des programmes à implanter dans leurs
pays voisins.
MURGUE Caroline_2007
3. La reformulation des politiques de santé publique nationales et internationales par les acteurs
impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida en Thaïlande
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande implique une pluralité d'acteurs hétérogènes
qui interagissent dans un système de réseaux. Cette configuration présente l'avantage
de transférer des connaissances d'une manière qui n'est ni verticale, ni horizontale
mais interactive. Par conséquent on voit apparaître une nouvelle forme de démocratie
qui se situe entre les schémas traditionnels de la démocratie participative, de la
démocratie représentative et de la démocratie des administrations et publics experts.
La démocratie participative est développée par le fait que les groupes de chercheurs
experts internationaux, les groupes de médecins et infirmières, les groupes de patients,
les groupes des ONG, les groupes des comités éthiques indépendants et les autorités
publiques s'impliquent ensemble, mais à des degrés qui leur sont propres, dans la lutte
contre l'épidémie VIH/Sida. La démocratie représentative reste encore présente dans ce
système, car des différences de pouvoir existent entre ces acteurs qui ne détiennent pas
tous le même savoir. De plus celle-ci est accentuée par le contrôle puissant de l'Etat et des
Organisations Internationales sur les différentes initiatives mises en place. La démocratie
des administrations et publics experts est également manifeste dans ce fonctionnement en
réseaux où des négociations se font dans des espaces sélectifs non publics. Toutefois sous
l'impulsion des ONG activistes spécialistes du plaidoyer, le débat sur la lutte du VIH/Sida
commence à émerger dans la sphère publique thaïlandaise ; ces ONG cherchent à mobiliser
l'ensemble de la société aux revendications des malades. La lutte contre le VIH/Sida
prend corps progressivement dans le débat public thaïlandais, favorisée par des acteurs
spécialistes engagés dans la cause qui sont prêts à diffuser les informations nécessaires
pour faire évoluer les mentalités et les lois.
La lutte contre le VIH/Sida peut donc être un facteur de démocratisation du
développement dans les pays du Sud. Les pratiques sont importées par les experts
internationaux mais rediscutés et renégociés constamment par les acteurs locaux. Dans
le cas de la Thaïlande il est donc difficile d'employer à nouveau le terme d'hégémonie
pour définir ces rapports Nord/Sud tant le terme paraît fort. Certes les pays industrialisés
détiennent un savoir très spécialisé dans le domaine puisque les recherches scientifiques
ont débuté bien avant, mais cette domination dans le capital de connaissances doit
aujourd'hui composer avec les spécificités de chaque terrain. Il y a donc une remise en
question des résultats scientifiques éprouvés dans les pays du Nord par la mise en place
d'études similaires dans les pays du Sud dont les conclusions servent à redéfinir les normes
internationales qui doivent s'adapter aux ressources limitées. De plus au niveau social les
études entreprises par des acteurs du Nord dans des régions à faible revenu semblent très
bien acceptées par la population locale qui aspire à plus de démocratie. Ce travail collectif
consensuel les amène également à renforcer leur conscience citoyenne et à s'investir
réellement dans l'espace public.
Les stratégies de développement initiées en Thaïlande présentent une méthode où la
population locale est intégrée à la production de connaissances leur permettant ainsi de
construire les capacités de gestion du VIH/Sida. En collaboration avec des acteurs issus
des pays industrialisés, les Thaïlandais développent leur propre système de recherche
scientifique, leur propre infrastructure médicale ainsi que leur propre politiques de santé
publique. Ils sont donc les acteurs de leur propre développement. Cette insertion dans la
MURGUE Caroline_2007
gestion des programmes de développement leur permet d'acquérir un savoir hautement
spécialisé, et de développer une expertise qu'ils font valoir auprès de leur gouvernement,
des Etats voisins à plus faibles ressources économiques et politiques, ainsi qu'auprès des
organisations internationales. De ce fait ils continuent ainsi à tisser un réseau mondial
orienté vers de nouveaux pays. En constatant une démocratisation du développement dans
le domaine du VIH/Sida il serait donc intéressant de savoir si celle-ci peut être vérifiable
dans d'autres domaines, comme le commerce international.
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
ANNEXE 1 : présentation du programme PHPT/
responsabilité d'accès aux soins et traitements
responsabilité dans le Nord de la Thaïlande
PHPT-OXFAM COMMUNITY BASED ARV TREATMENT PROGRAM
PHASE 1 (2002-2005)1- Project BackgroundThis program was initiated in Northern Thailand in 2002, when approximately one million
people were infected with HIV, of which more than half lived in northern Thailand. One
in five people living with HIV were severely immunocompromised and in urgent need of
antiretroviral therapy. At that time access to antiretroviral drugs was severly limited due
the high costs. Subsequently, the majority of medical practitioners had limited experience
in prescribing and monitoring ARV treatments and were unaware of the latest therapeutic
In response the PHPT-OXFAM community-based ARV treatment program was
launched with three community hospitals in the Chiang Mai region (Sansai, Mae On, Doi
Saket hospitals). The overall objective was to establish a sustainable program providing
the highest quality of HIV care through active patients involvement, networking for medical
professionnals and development of information on care for HIV-infected persons, to be
disseminated and used for local and international lobbying.
Project ObjectivesOverall Goal : To establish a sustainable program providing the highest quality of
HIV care through active patient involvement, networking for medical professionals and
development of information on care for HIV-infected persons, to be disseminated and used
for local and international lobbying.
Sub-Objectives :Provision of high quality HIV care including antiretroviral treatmentsTo provide antiretroviral treatment to 146 immunocompromised patients in 3 community
based hospitals in Chiang Mai
Capacity Building of health infrastructures and systems for the provision of ARV
To provide training for health care providers on proper use and monitoring of
antiretroviral therapy in the Thai context.
MURGUE Caroline_2007
To establish a network of health practitioners and to build capacity of existing services
for the provision of antiretroviral therapy, the monitorng of its safety and effectiveness at the
individual and population level
To establish an organization of people living with HIV/AIDS actively participating in the
management of the program by providing information for patients, giving feedback to the
health personnel.
Collection and Dissemination of information for local and international lobbyingTo collect, analyze, and present data from this pilot experience for incorporation into
advocacy documents to be used by projects participants at both national and international
To study the operational aspects of integrating comprehensive HIV care into the existing
care system with regards to new activities generated at the hospital level (counseling,
referral systems, biological monitoring), the impact on other health activities, mobilization of
human and financial resources, and affordability and sustainability of the program.
To establish an association of physician/health care providers experienced in HIV
medecine to advocate on behalf of people living with AIDS towards other physicians, the
ministry of Public Health and other political organizations in Thailand, in order to increase
general access to ARV treatment in the country.
Project ResultsThe PHPT-Oxfam community-based ARV treatment program was initially launched with
three community hospitals in Chiang Mai region. Two other hospitals (Nakornping provincial
hospital and Sankampang community hospital) joined the network and provided additional
expertise and resource including a paediatric HIV care team. The network of health care
providers and PLWA groups worked together to provide care and support to a total of 217
patients -125 adults and 92 children- who have received antiretroviral treatment and close
monitoring through this program, exceeding by 50% the planned number of patients. This
was made possible within the original budget by making the best use of the network expertise
and newly available generic drugs.
Provision of high quality HIV care including antiretroviral treatmentsOne of the primary objectives was to provide antiretroviral treatment to 146
immunocompromised patients in 3 community-based hospitals in Chiang Mai. The patients
were to receive ARV treatment for up to 2 years since initiation.
As of 15th December 2004, a total of 217 patients have received antiretroviral treatment
through 5 participating hospitals. Box 1 provides a summary of the population reached. All
proposed cases reviewed by the network of health care providers, PLWAs and PHPT team
at the monthly meetings. After discussions, a collective decision was taken on provision
of treatment and / or laboratory support on a case by case basis, taking into account the
treatments needs and options available to each case. Through this process of systematic
review by the network, all participants gained experience in managing simple and complex
During the third year of implementation, launch of the national scale up in access to ARV
treatment significantly relived the enrolment pressure within this program. However, new
more complex cases continued to be referred to the program, such as ARV-experienced
patients or children in need of specialized treatment and close monitoring support not
currently available under the national program.
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
Box 1. Summary of the Population reachedAn analysis of the population receiving treatment within the program highlighted that
the socio-economic groups most affected and in need of immediate HIV care were those
with very low income : 68% of adult patients had a household income under 3,000 Baht
(75 US$) per month, which is under the national minimum wage. The median age at entry
to the program was 36 years, most were at the most advanced stage of the disease (HIV
CDC classification stage C), with the gender representation balanced at 52% women, 48%
men. Among the children, 35% were living with their parents, the remaining 65% children
with their relatives, guardians or in orphanages, the median age at entry was 8 years, with
a gender balance of 52% boys and 48% girls.
Capacity Building of health infrastructures and systems for the provision of ARV
At initiation of the program intensive introductory training and support were provided
to physicians, nurses, and counsellors of the 5 participating hospitals. This continued with
ongoing trainings through monthly meetings where specialists were invited to lecture on
aspects of HIV care, and care providers conducted peer education, exchanging experience,
knowledge and lessons learned. This continuous process of learning has helped establish
the network of care providers increasingly specialised in HIV medicine. They are now some
of the most experienced HIV care providers within the region, implementing the national
scale-up program. The monthly network meeting represents a regional resource for regular
training and discussions of difficult or complex cases from other community hospitals in the
Chiang Mai province such as Mae Tang, Chiang Dao hospitals who have become regular
participants of the meetings. These training provide a reference point for less experienced
care teams to discuss the difficult cases they are facing.
Capacity building of health system also incorporated building the capacity and
knowledge base of patients and PLWA groups to increase participation in management
of the program. Intensive training courses on HIV disease, ARV treatment and prevention
were conducted along with ongoing training for PLWA members, in support of their role
as peer educators and counsellors within local networks. The active involvement of PLWA
networks and their activities in supporting care teams ranging from volunteers at HIV clinic
to conducting regular home visits has been one important factor in the zero cases of loss to
follow up in adults and 1 case of follow up in children, an exceptional achievement for the
three years duration of the program.
Collection and dissemination of information for local and international lobbyingCharacteristics of patients receiving treatments within this program, as well as treatment
outcome in terms of safety and efficacy have been carefully documented through the three
years of the program. This data will be further analysed and prepared for publication in
national and international journals to disseminate the knowledge gained, in particular about
safety and efficacy of ARV treatments provided, and the impact of active participation and
support activities of PLWA groups on adherence and cohort retention.
This model of regional networks of care providers and PLWA co-managing community-
based care was launched in a workshop at the XV International AIDS Conference,
Bangkok, Thailand in 2004. This workshop was conducted by the healthcare workers and
professionals and activists from around the world with very positive feedback.
Box 2. Gender Analysis
MURGUE Caroline_2007
Our knowledge on the effects of ARV treatment, such as safety, pharmacology and
adverse events are generally based upon results of early clinical trials conducted in a
predominantly male population. Therefore the systematic and consistent collection and
analysis of data within this program gender balanced program (approx. 1 male/female
ratio in both the adult and children population) allows for a unique opportunity for long-
term observation of the women's response on ARV treatment in comparison to the male
The results of such analysis would be shared with collaborating physicians, the Thai
Ministry of Public Health and the scientific and HIV/AIDS community to incorporate the
lessons learned into the national scale up program.
ANNEXE 2 : Entretiens sur terrain de 2 personnes
thaïlandaises non malades
Entretien sur terrain, femme en bonne santé vivant à responsabilité Mai, 14 août 2006
Je m'appelle B, je suis thaïlandaise, j'ai 29 ans, je tiens un magasin de souvenir à
responsabilité Mai et je confectionne des bijoux.
(Pouvez-vous me parler du VIH/Sida ?)La première fois que j'ai entendu parler de cette maladie c'était à l'école nous avions
eu un cours sur ça. J'ai pas peur du sida mais je me demande pourquoi ça se diffuse si vite.
Je connais des personnes qui sont infectées, pour moi ce sont des personnes normales. La
tante de mon beau-frère par exemple est morte à cause du sida, j'ai vu qu'elle était malade
parce que sa peau était plus sombre et qu'elle avait des traces blanches sur la peau. Soi-
disant elle aurait été infectée parce qu'elle faisait les ongles de femmes séropositives. Je
pense qu'un ami à moi a aussi était contaminé, depuis un an il a mal à la gorge et a des
ganglions. Le sida est vraiment un problème, 50% de personnes infectées vivent en Afrique
parce qu'elles n'ont pas de protection et parce qu'elles ne savent rien sur cette maladie.
En Thaïlande il y a beaucoup de personnes séropositives qui vivent à responsabilité Mai,
notamment à Sankampang, il y a beaucoup de femmes qui transmettent le virus à des
étrangers, elles ont été contaminées par leur mari du coup elles deviennent folles. J'ai lu
dans le journal que deux hommes français répandaient le sida à responsabilité Mai, ils ont
été dénoncés et arrêtés, heureusement !
(Savez-vous de quelles manières on peut être contaminé ?)A cause du sang comme les blessures, ou de sexe non protégé(Comment peut on soigner cette maladie ?)Par des plantes et des herbes thaïlandaises, il y a aussi des médicaments fabriqués
en occident mais ils coûtent très chers.
(Que pensez vous des campagnes de prévention menées par le gouvernement ?)Il y en a eu tellement ! mais ça a été une bonne façon pour promouvoir l'usage du
préservatif. Dans les villes les gens en utilisent beaucoup et les étudiants aussi. Le problème
c'est l'éducation à la campagne, malgré les informations sur le sida à la télé, à la radio et à
l'école les gens ne prennent pas le problème sérieusement et ne se sentent pas impliqués.
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
Ils ignorent ce que c'est réellement. En fait il y a un grand fossé entre les campagnes et
les villes en Thaïlande. Les points de vue sont différents, et il y a un choc culture quand les
personnes des campagnes vont en ville.
(Pensez vous que la Thaïlande est encore un pays en développement ?)A moitié. D'un côté le matériel comme les produits et les usines dans les grandes villes
ne pourra plus se développer. De l'autre la morale est en train de se développer. Le droit
des femmes par exemple, de plus en plus de femmes montrent qu'elles peuvent gagner
leur propre argent.
(Qu'est ce que la recherche signifie pour vous ?)C'est une façon de rassembler des informations pour résoudre un problème. On
cherche dans plein de ressources différentes des solutions
(Si vous deviez parler à un adolescent qu'est ce que vous lui diriez sur le VIH/Sida ?)Comme les adolescents sont très émotifs, je leur parlerais calmement en leur disant
d'utiliser des préservatifs s'il ne veut pas avoir le sida.
Entretien sur le terrain, homme en bonne santé vivant à Chiang Mai, 16 août 2006Je m'appelle T, je suis thaïlandais, j'ai 37 ans et je travaille au British Council à Chiang
(Pouvez-vous me parler du VIH/Sida ?)C'est une infection qui vient du singe. Les homosexuels, les prostitués et les drogués
ceux qui utilisent des seringues sont les groupes contaminés. Les adolescents sont aussi
un groupe à risque parce qu'ils n'aiment pas utiliser les préservatifs. En Thaïlande les gens
avant avaient peur du sida. Depuis 3 ou 4 ans la mentalité a commencé a changé grâce
aux programmes du gouvernement.
(Que pensez vous des campagnes de prévention menées par le gouvernement ?)Je me rappelle du la campagne « 100% Condoms », je crois que ça a été efficace.
Mais j'aimerais savoir plus de choses comme la façon dont le sida se transmet, des choses
médicales, la façon de prendre soin d'une personne séropositive, la psychologie de ce type
de personnes, la façon dont les malades sont intégrés à des groupes non infectés et enfin
les traitements.
(Comment peut on soigner cette maladie ?)En Thaïlande, les gens essayent toujours de se soigner avec des herbes thaïlandaises,
je sais pas si ça marche vraiment. Mais je sais qu'il y a d'autres médicaments qui viennent
des Etats-Unis et qui sont chers, mais peut être plus efficaces.
(Pensez vous que la Thaïlande est encore un pays en développement ?)certains endroits de la Thaïlande, oui.
(Qu'est ce que la recherche signifie pour vous ?)C'est trouver un tas d'informations qui viennent de différents types de personnes, qu'il
faut analyser pour créer un modèle. Pour créer le modèle il faut travailler avec beaucoup de
données comme l'âge, le sexe, etc. et les comparer entre différents groupes.
(
(Si vous deviez parler à un adolescent qu'est ce que vous lui diriez sur le VIH/Sida ?)
MURGUE Caroline_2007
Le VIH/sida est un sujet qui leur est très lointain. Ils aiment en effet voir des trucs comme
les accidents de voiture, les meurtres. Je leur dirais de faire attention, de pratiquer le sexe
MURGUE Caroline_2007
La gouvernance du VIH/Sida en Thaïlande : Etude du réseau PHPT (Program for HIV Prevention
ADPIC Accords internationaux sur les Droits de Propriété Intellectuelle touchant au
ANRS Agence Nationale de Recherches sur le Sida
APECAsia-Pacific Economic Cooperation
ASEANAssociation des Nations Unies du Sud-Est Asiatique
GFATMGlobal Fund to fight AIDS, Tuberculosis and Malaria (Fonds Mondial de lutte
contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme)
GPOGovernmental Pharmaceutical Organization
INEDInstitut National d'Etudes Démographiques
IRD Institut de Recherche pour le Développement
NAPHANational Access to Antiretroviral Program for People Living with HIV/AIDS
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Journal of Solid Tumors 2016, Vol. 6, No. 1 BRIEF REPORT Studies on antitumor activity spectrum of doxycycline Bo Chen1, 3, Hong-gang Zhou2, 3, Wei Wang2, 3, Wen-guang Gu2, 3, Dong Zhao2, 3, Peng Wang∗3 1College of Biotechnology, Tianjin University of Science and Technology, Tianjin, China 2State Key Laboratory of Medicinal Chemical Biology and College of Pharmacy, Nankai University, Tianjin, China3Tianjin Key Laboratory of Molecular Drug Research, Tianjin International Joint Academy of Biomedicine, Tianjin, China